| | « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] | |
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Leandre Callandra
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Localisation : Sûrement chez moi. Mais je n'ai pas le droit de sortir.^^ Emploi/loisirs : Là, je fais des bouquets. Enfin, j'aide ma mère à en faire... C'est dommage qu'Alexandre ne veuille pas nous aider!^^ Humeur : Excellente. Je ne sais pas pourquoi, mais excellente!^^-
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| Sujet: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Lun 31 Déc 2012 - 3:30 | |
| Leandre grimpa quatre à quatre les marches de l’escalier. Si sa mère n’avait pas été affairée plus bas, elle se serait inquiétée de la vitesse à laquelle il avalait la distance qui le séparait de sa chambre ; si Alexandre avait été là, il aurait haussé les sourcils en voyant le visage de son petit frère départi de l’éternel sourire qu’il portait toujours, fut-ce du bout des lèvres ; si Florian n’avait pas tapé du pied pour suivre Josh en ville, il aurait accueilli à bras ouverts son reflet sans se formaliser de son air un peu bougon ; si leur père n’avait pas été dieu seul savait où loin d’ici, si Jack avait été à la maison, si, si, si ceci, et encore si cela, alors. Le gamin chassa ces pensées parasites de sa tête d’un soupir plus ennuyé qu’il l’aurait voulu. Il se consola en arguant pour lui-même qu’il n’y avait personne pour l’entendre, parce que justement, toute sa petite famille était de sortie dieu seul savait où quand elle n’était pas diablement occupée –loin de lui l’idée de remettre en doute le bien-fondé de leur empressement zélé, mais il avoua se sentir un peu seul. L’idée de se glisser dans la rue par la porte de derrière et d’aller peut-être trouver Astrid lui avait traversé l’esprit en coup de vent : la jolie blonde semblait toujours savoir où se trouver sans qu’il comprît comment. Qu’importait, au fond, puisqu’il s’était fait à ces bizarreries sans piper mot et qu’elles ne portaient préjudice à personne. Je ne peux quand même pas courir le risque d’inquiéter maman, avait-il tranché, coupant court à toute forte de discussion. Il l’embêtait déjà bien assez comme ça. Cette excuse lui évita de trop penser aux gants fourrés, pèlerines, vestes, manteaux et écharpes dont elle n’aurait pas manqué de l’affubler jusqu’à ce qu’il ressemblât plus à un petit Thouât qu’à un humain. Il se laissa tomber sur le lit face à la fenêtre et se laissa distraire par les gouttes qui commencèrent à marteler la fenêtre. En ville, il n’y avait pas de grillons l’été non plus et cette mélodie en valait bien une autre. Une girouette tourbillonnait au gré des vents qui balayaient les toits sans plus charrier de feuilles dont les arbres avaient été depuis longtemps dépouillés. Dans la lune, il tira sur les manches ocre de son pull épais, déjà trop longues de plusieurs tailles. Leandre commença à rêvasser : le ciel était blanc et il espérait de la neige. Il se leva, posa ses doigts sur la vitre avec une pensée compatissante pour ces passants qui allaient être mouillés, et une plus peinée pour ceux qui n’avaient jamais de quoi s’abriter. Un chien jappa quelque part, et sous ses yeux sapin l’avenue se vida au profit de porches, d’auvents et de marquises. Il faudrait que je descende, maman aura peut-être besoin de moi, sourit-il pour tromper son ennui lorsqu’un bruit sourd le fit sursauter. Il jeta un coup d’œil à droite, à gauche ; rien, pas un chat –il en savait quelque chose, il n’en avait pas ramené et ce genre d’acte de charité n’était que de son goût à la maison. Après avoir examiné la petite table de chevet qui jouxtait le lit parfaitement rangé, il leva les yeux au plafond, les lèvres pincées et le cœur serré.
Il se rassura comme il le put : quelque meuble avait chuté au grenier, quelqu’un aurait laissé le velux entrebâillé et un coup de vent aurait renversé un vieux pot, guère plus. Une vois sifflante lui en contait d’autres, et de belles : pourquoi maintenant, quand personne n’y montait ? Pour se donner bonne conscience, il décida de monter voir avant d’ameuter tout le monde sans raison. Si ce n’était qu’une petite bête, Callandra n’aurait pas fini d’en entendre parler ; non sans une légère appréhension, il retira ses chaussons pour faire le moins de bruit possible et passa dans le couloir. Il n’avait pas de bougie et le soleil ne l’éclairerait pas plus qu’il ne réchauffait le pays ces derniers temps, mais tant pis. Descendre et attraper une bougie aurait alerté sa mère, et inutile de tenter de lui faire comprendre pourquoi il avait voulu braver l’interdiction et se rendre au grenier. « Trop de poussière, mon chaton », lui aurait-elle seriné avec émoi et conviction. Tout de même, il n’aurait pas l’esprit tranquille avant d’avoir vérifié. Trop petit pour atteindre la trappe au plafond et déplier l’échelle qui y menait, il prit appuis sur la rambarde près de escaliers et, penché en avant sur la pointe des pieds dans un équilibre douteux auquel il n’était pas rompu, il lui imprima une légère poussée ; elle claqua sans s’ouvrir. Une seconde fois, sans plus de succès, il courut sa chance. La troisième fut la bonne et l’échelle se déroula dans un nuage de poussière qui confirma ses doutes et lui arracha une quinte de toux grasse. Le claquement sec aurait pu réveiller le quartier ; question discrétion, il avait vu mieux, déplora le garçon aux cheveux sombres. Il descendit et agrippa les barreaux de l’échelle. Le grenier était sombre ; un Neko en aurait fait son affaire, un Esprit aurait, dans son imaginaire coloré, fait flotter dans les airs enténébrés quelque globe de lumière vive ; pas lui. Il plissa les paupières, toussa derechef, scruta bon gré mal gré les silhouettes des quelques meubles si semblables à des carcasses vides. Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. Le buste à l’intérieur, les pieds restés sur l’échelle, il se tenait prêt à battre en retraite « au cas où ». Leandre se trouva stupide : pas de bête, pas même un rat. Il voulut descendre et faillit manquer une barre lorsqu’il avisa un mouvement. Dans l’ombre. Plus gros qu’un rat. |
| | | Rhys Ahnae'nsë
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Mar 5 Fév 2013 - 11:01 | |
| L'ami chez qui Rhys logeait lui avait un jour dit, en le voyant rentrer par la fenêtre, qu'il tenait plus de la chauve-souris que de l'Esprit ; sur le moment, ça l'avait fait bien rire. Les hauteurs ne lui avaient jamais fait peur et les recoins sombres et autres ruelles à la réputation à priori douteuses semblaient l'attirer plus que le contraire : alors on aurait pu le comparer à une de ces bestioles, oui. Sans doute. Être un nuisible lui convenait très bien. Une belette, une chauve-souris, un rat ou même un chien errant – il pouvait être ce que bon lui semblait suivant les occasions. Il faut bien trouver où aller quand on a pas de toit sur sa tête ; or lui n'en avait pas. Pas vraiment, se corrigea-t-il en tirant sur son pull bien trop large et certainement déchiré par endroits. Son ami avait beau être arrangeant, rester constamment chez lui finissait toujours par le gêner. Question de fierté. Et puis cet abruti faisait tellement de bruit que le supporter plus de trois soirées par semaine tenait du miracle, de toute façon. Perché sur un toit, Rhys embrassa la ville du regard. Ses yeux vides, comme d'habitude, ne bougèrent pas d'un iota. Inutile de se fatiguer s'il n'y avait personne à regarder ; sa façon de vivre n'était clairement pas réglée par rapport aux humains et autres squatteurs en tout genre qui semblaient prendre leur pays pour une poubelle. Pas qu'il y en ait tant que ça dans les parages, quoi qu'il en soit. En théorie, ils devaient être... Une goutte d'eau vint s'écraser sur son visage, coupant court à sa somnolence. Une, deux ; trois quatre et en très peu de temps, ce fut l'averse. Il étouffa un juron, tira sa capuche sur sa tête et leva les yeux vers le ciel couvert. Ça avait l'air parti pour durer ; de toute façon, hors de question d'attraper la mort. Il n'avait pas de quoi se soigner, détestait être allongé toute la journée et cette fichue capuche ne le protégeait de rien du tout. Son pull avait beau être épais, il n'avait rien de plus en-dessous qu'un débardeur trop fin ; son pantalon et ses gants allaient mettre des heures à sécher. Le jeune homme se redressa sans prendre le temps de s'amuser de l'agitation que la pluie battante créait dans les rues et, peu inquiet de la distance quasi-inexistante qui le séparait du vide, il se hissa près du vélux. Comme il s'était déjà amusé à l'ouvrir quelques temps auparavant pour voir s'il y avait du monde, il n'eut qu'à le tirer vers lui pour pouvoir se glisser à l'intérieur ; souple et discret. Il posa les pieds au sol le plus doucement possible et referma la petite fenêtre en silence, ne tenant pas à alerter qui que ce soit. Sa capuche fut retirée d'un geste agacé de la main tandis que, de l'autre, il ébouriffait ses cheveux noirs dans l'espoir de les sécher plus rapidement. Ce qu'il pouvait. Détester. Être mouillé. C'était insupportable, d'avoir ses vêtements collés à la peau comme ça : et rien à faire pour se réchauffer, tant qu'à faire. Fais chier. Gêné par l'obscurité, il fit un pas de côté. Son bras heurta violemment un petit meuble ; et s'il le remit aussitôt en place, il craint qu'en plus de lui avoir démonté le coude, cet idiot de truc stupide de malheur ne pousse les locataires à venir vérifier que tout était en ordre. Grand habitué des sorts liés au froid, il ne réussit qu'à faire naître une flamme moyenne au creux de ses mains jointes : la lumière cela dit fut suffisante pour l'aider à y voir plus clair. Des meubles, des vieux trucs, des vieux trucs, des draps... Un soupir traversa ses lèvres pâles. A priori le ménage ne devait pas être fait souvent, donc personne ne prendrait la peine d'y grimper s'ils entendaient du bruit. Des bestioles, dans ce genre d'endroit, il y en a toujours quelques-unes. Soucieux de ne rien brûler, il éteignit malgré tout la flamme qui brûlait au-dessus de ses mains gantées. Quelques secondes plus tard, Rhys avait retiré ses gants et hésitait entre mourir de froid sans son pull ou mourir de froid avec. Vu qu'il était mouillé, de toute façon... Clac ; un bruit l'interrompit. Lâchant le bord de sa veste – tant pis, il mourrait avec – le jeune homme observa, sourcils froncés, le sol à quelques pas de lui. Recula prudemment, une main dans son dos pour ne rien faire tomber. Foutu meuble stupide incapable de rester en place. Il finit par heurter le mur et, toujours aussi silencieux, se glissa entre deux meubles. A moins qu'il soit tombé sur la seule maison du coin habitée par des Neko, il devrait passer inaperçu ; il n'avait pas envie de se faire virer ou d'assommer qui que ce soit, aussi essaya-t-il de s'en convaincre. Allez, casse-toi... Une trappe s'ouvrit, quelqu'un grimpa à l'échelle. Impossible de déterminer si c'était une fille ou un garçon, un enfant ou un vieillard – mais ce quelqu'un devait avoir des oreilles, malheureusement. La respiration tranquille, accroupi et étonnamment nonchalant vu la situation, l'Esprit attendit donc. Casse-toi, casse-toi. Y'a rien, allez ; vas-t-en. C'est ça, voilà. Ennuyé par la douleur qui irradiait de son coude, il se décala très légèrement pour étirer son bras. L'autre s'en allait : il crut être tranquille.
Sursaut, arrêt sur image. Et merde. Une grimace étira son visage ; repéré. Son score à cache-cache allait s'en prendre un sacré coup.
Le squatteur émérite analysa rapidement les différentes options qui s'offraient à lui, et décida finalement qu'il avait trop froid pour tenter la diplomatie. Ses jambes se tendirent sous lui d'un geste souple et machinal tandis que, démontrant une fois de plus qu'il avait tout de l'adolescent gentil et bien élevé, il franchissait en quelques enjambées la distance qui le séparait de l'inconnu(e). S'il décidait que c'était le moment où jamais de descendre les marches ou de crier, trop tard ; tant pis pour lui. Rhys avait de suffisamment grandes jambes et assez de force dans les bras pour être sûr d'avoir l'avantage. Il laissa un mètre entre eux, histoire de ne pas trop l'effrayer, et refit apparaître cette flamme bien pratique dans sa main droite. Pas vieillard. Fille ou garçon, en revanche, aucune idée. 'Il' ferait l'affaire pour l'instant. Admettant que s'il essayait de descendre il l'attraperait par le col pour avoir un peu de compagnie, Rhys posa ses yeux vides et désintéressés sur lui.
« Tu cries, je t’assomme. » Les présentations étant faites, il jeta un coup d’œil à ce qu'il voyait de l'étage à travers la trappe. « Je reste juste le temps que la pluie s'arrête. »
Quelle prévenance ; il s'étonnait lui-même. Dans la mesure où il tenait juste à éviter que son invité surprise n'essaie de le jeter dehors, cet argument était le meilleur qu'il puisse avancer. Restait à espérer que ça marche. Sinon il pouvait toujours le congeler. Avec un peu de chance, l'autre était une bille en... Il se figea. Oh. Humain ? Ses sourcils se froncèrent de nouveau. Ben tiens, merveilleux. Remarque, il n'aurait pas pu espérer plus nul en magie qu'un humain.
{ J'ai vaincuuuuu \oAo/ WOUHA. En fait mes RPs de début de post sont toujours longs, pour mieux justifier ceux de 300 mots qui suivent... B| } |
| | | Leandre Callandra
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Dim 10 Fév 2013 - 17:43 | |
| La créature se mouvait dans l’ombre, longue silhouette filiforme prête à fondre, en un instant, sur sa proie. Rétabli en un équilibre précaire sur le barreau traître qui s’était plus tôt dérobé sous ses pieds, le gamin s’accrocha avec ferveur à la bordure de la trappe, comme si sa vie en dépendait –et c’était peut-être le cas, sifflait une voix empressée dans son esprit, celle-là même qui lui hurlait de descendre en quatrième vitesse, de descendre quatre à quatre les quelques volées de marches qui le séparaient de sa mère, de la boutique grouillante de vie sûrement, et d’aller s’y réfugier blanc comme un linge, à attendre qu’on lui demande ce qui avait bien pu lui arriver et, pourquoi pas, d’où venait le claquement si brusque qui avait retentit depuis l’étage. Là où Leandre avait prié que personne n’entendît rien il n’y avait pas deux minutes, il espérait de tout son cœur qu’une bonne âme allait débarquer pour le soustraire aux griffes de ce qui n’était clairement pas un rat. Un voile qui bouge ? se demanda-t-il. Aucune chance. La conclusion, sans appel, tombait comme un couperet et tranchait net la nuque de ses douces illusions, qui perdaient en réalisme ce qu’elles gagnaient en réconfort. Le môme plissa les yeux, infichu de distinguer quoi que ce fut plus clairement que des masses diffuses aux contours indéfinis. L’ombre s’avança, il manqua de tout lâcher et de tenter la chance, au diable la prudence qui l’avait mené ici : s’il survivait à la chute il pourrait toujours prendre ses jambes à son cou. La lueur qui se mit soudainement à briller à la hauteur de son visage l’en retint au moins pour un temps. Ebloui, il détourna d’abord la tête, paupières closes, avant de les rouvrir et de fixer avec une sorte d’admiration farouche la petite flammèche qui dansait dans la paume de ce qui n’était ni un rat, ni un monstre, ni un animal sauvage. Le clair-obscur faisait jouer des ombres sur le visage de l’inconnu qui tantôt ressemblait à un fantôme, tantôt à un diable, tantôt à une figure plus amène. Le regard de Leandre se riva à lui et le garçon, bouche bée, les yeux écarquillés, n’émit pas un son. Il aurait sans doute dû tant qu’il le pouvait encore. Il n’y pensa pas. Pris de cours, Leandre.
« Tu cries, je t’assomme. »
Les adjurations à la prudence de sa mère tintèrent comme autant de cloches de malheur entre ses deux oreilles et le petit aux cheveux sombres s’avoua sincèrement sonné. Je viens de me faire enlever, songea-t-il, très absent. Mais sa famille n’avait rien fait de mal à personne –il n’y aurait dû y avoir personne pour leur en vouloir ! Il n’était pas si naïf : ses yeux et ses oreilles le trahissaient et en faisaient par la même occasion un « détestable traître », comme s’il y avait pu quelque chose. Le monde n’était pas rose, les quolibets avaient déjà fusé, et si ce n’était sur son passage ce devait être sur celui d’autres, il s’en doutait bien –mais de là à leur vouloir du mal, à s’introduire à leur insu dans leur grenier pour leur faire Dieu seul savait quoi ? L’impression, certes toute relative, de sécurité que lui avaient toujours conférés les murs et le toit de cette maison vola en éclat et les larmes lui montèrent aux yeux. Evite les trop gros chocs, Leandre, ce n’est pas très bon pour toi, tout ça. Bien fait, tu n’avais qu’à rester tranquillement dans ton lit à attendre qu’on vienne te poignarder dans ton sommeil, au moins tu serais mort avec un cœur en bonne santé. Il ne cria pas ; il ne tenait pas à se faire assommer.
« Je reste juste le temps que la pluie s'arrête. »
Ces quelques mots mirent un instant à percuter sa raison affolée : il ne lui voulait pas de mal ? Il ne t’en voulait pas avant que tu montes, en tout cas, se maudit-il. S’il restait calme, alors il ne l’assommerait pas, à tout le moins s’il ne manquait pas à sa parole –et d’un autre côté, Leandre peinait à se souvenir si, oui ou non, la formulation exacte de sa phrase stipulait qu’il ne l’enverrait pas valser plus bas s’il se taisait. Qu’importe, ses genoux jouaient des castagnettes et rester ainsi plus de cinq minutes risquait d’être pénible, s’il ne chutait pas lourdement avant ça.
« Mon, monsieur, s’il vous plait, ne me faites pas de mal, bégaya-t-il tandis qu’il se sentait flancher. Mais, là, si, si je m’évanouis et que je te tombe, ça va faire du bruit, je… »
Le voilà qui parlait à un inconnu. Mais je n’ai pas vraiment le choix, jura-t-il, un peu fébrile. Il hésitait à se hisser plus haut et hésitait à descendre ; un coup en travers de la tête était la dernière chose dont il ait envie et sur le moment, cette alternative lui semblait un peu trop tangible pour tenter le diable. En même temps faut bien expliquer pourquoi ils sont là... Après, tu fais du concentré avec 300 mots d'aventures épiques, de pensées philosophiques hyper-profondes et d'amour, de sang, bref... 300 mots dignes Des chroniques de Rhys le petit marsouin.B) Et je ne sais même pas ce qu'est un marsouin en fait. |
| | | Rhys Ahnae'nsë
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Jeu 7 Mar 2013 - 9:02 | |
| Humain, humain, humain. Rhys esquissa une grimace de mépris qui se perdit dans l'obscurité ambiante ; tant pis, tant mieux. Tant pis. Au moins, il n'aurait pas autant de scrupules à l’assommer que s'il s'était agi d'un Esprit. C'était déjà ça de pris. Et puis causer des problèmes chez les humains était toujours moins risqué – sans compter que, justement, ils n'utilisaient pas la magie. On a beau dire, se promener avec une épée ou un arc était sacrément moins discret que se promener avec ses mains ou sa tête. A moins de n'être très fort, peut-être. Et encore. On ne prend pas un Esprit par surprise. Ou pas lui, en tout cas – et ce gamin, là (si ce n'était pas une gamine, puisqu'il n'arrivait pas à en être sûr) n'avait pas l'air du genre à pouvoir lui causer beaucoup d'ennuis. Pas physiques, du moins. Crier, ça, il devait pouvoir faire : raison pour laquelle il tenait absolument à l'empêcher d'aller hurler à l'étage du dessous. La pluie battait encore contre la lucarne, grondante et probablement gelée, et Rhys ne put retenir un frisson à la simple idée de devoir retourner là-dessous. Il y survivrait, oui. N'avait aucune envie de troquer le confort relatif d'un grenier contre une averse pour autant. Pour l'instant, pas de cri affolé. « Mon, monsieur, s’il vous plaît, ne me faites pas de mal. Mais, là, si, si je m’évanouis et que je tombe, ça va faire du bruit, je… »Effrayé, en tout cas. Pas spécialement mal à l'idée de terroriser plus jeune que lui sans raison, Rhys augmenta machinalement l'intensité de la flamme. L'ennui, avec le feu, c'était que la chaleur venait avec les risques d'incendies ; raison pour laquelle il préférait de loin manipuler la glace. Seulement aux grands maux les grands remèdes – d'autant plus que ce n'était pas faire flotter un glaçon qui allait l'aider à y voir plus clair ou, plus important, à se réchauffer. Son pull humide frottait désagréablement contre ses bras ; il se serait bien vu faire un feu de camp avec un des vieux meuble entreposé là, tiens. Mais d'abord, s'occuper de l’intrus. Ou de l'occupant, plutôt. Le jeune homme, stoïque quoi qu'ennuyé, ne bougea pas d'un pouce. S'il essayait de descendre, il voulait toujours pouvoir le récupérer par le col et le tirer de force dans son nouveau havre de paix. Poussiéreux et sombre, peut-être, mais sec. C'était un critère suffisamment pour transformer n'importe quelle remise en maison potentielle, selon lui. Les contrecoups de nuits à la belle étoile, sans doute. Sûrement. De sa main libre, il exécuta un geste simple du poignet. « Tu montes. » Dis comme ça, ça aurait difficilement pu être considéré comme autre chose qu'un ordre. « Et t'évanouis pas. Tu t'évanouis pas, bordel, j'ai pas que ça à faire. »Il marmonna ces derniers mots d'une voix agacée, sur les nerfs à la simple idée de se retrouver avec un humain dans les vapes sur le dos. Il n'était pas si méchant ; il aurait dû le redescendre, prévenir quelqu'un. Et là, ouais. Bordel. C'était le cas de le dire. Quoi que rien que pour voir la tête de parents de ce machin vert en voyant un inconnu descendre tranquillement au rez-de-chaussée, il songea à revoir sa position sur la question. Ils auraient pu penser n'importe quoi. Auraient pensé n'importe quoi. Mais dehors il pleuvait, il n'avait pas envie de retourner chez cet abruti trop bruyant. Tant pis. Ce serait pour une prochaine fois, les crises cardiaques. - Hors-RP:
Hinhin, maintenant qu'on écrit en noir va falloir mettre Rhys dans une autre couleur.... X'D Genre ROSE. Ou gris.
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| | | Leandre Callandra
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Dim 10 Mar 2013 - 16:48 | |
| L’ingénieuse idée était évidemment qu’il le laissât descendre, assuré qu’il serait que la parole du petit ne serait guère plus que du fer blanc en comparaison de l’éclat doré du silence qu’il ne manquerait pas de caresser dans le sens du poil. Leandre n’en avait pas moins été foncièrement honnête : de trop grosses émotions n’étaient pas bonnes pour une constitution comme la sienne, avec un cœur trop prompt à s’emballer et bien trop faible pour tenir cette folle cadence bien longtemps. Bouchée bée, les yeux écarquillés, parmi les ombres que la flammèche lançait sur son visage ne dansait pas celle d’un seul doute sur la suite des évènements –à compter que le gamin chétif restât à trembler comme une feuille d’automne sur cette échelle. Il mit un moment à comprendre le mouvement de la main du dangereux individu qui avait élu domicile là-haut, prêt à égorger sa famille : à peine avant qu’il joignît au geste une bien funeste parole. Un pli d’incompréhension barra son front. Songeur, puis horrifié, Callandra resta fermement arrimé à la barre comme si sa vie en eut dépendu. Un noyé n’aurait pas plus chéri morceau de bois tout à la fois sec et pourri et que lui ne le faisait à cet instant, nul dévot n’aurait plus honoré son idole de cèdre.
Malgré l’ordre lancé, il n’esquissa pas le moindre geste, pas plus qu’il n’émît le moindre signe d’obéissance. A la vérité, il aurait tout aussi bien pu ne pas l’avoir compris. Mettre un pied dans le grenier poussiéreux, dont l’accès lui était déjà d’ordinaire strictement interdit, revenait pour lui à abandonner tout espoir d’un jour revoir son lit, sa mère, ses frères et sa chambre. Comment y eût-il consenti, alors que sous la pluie battante qui s’abattait sur les toits et le vent qui hurlait contre les carreaux, il y avait si peu de chances qu’on entendît son pas de la boutique Personne ne viendra me chercher et me sauver, paniqua-t-il, et je l’aurais bien voulu, moi, à faire ce qu’on me disait justement de ne jamais faire. Le courage lui manqua, il ne bougea pas, statue à l’expression franchement perdue. Et perdu, il l’était.
« Et t'évanouis pas. Tu t'évanouis pas, bordel, j'ai pas que ça à faire. »
Leandre cilla, certain de son malheur mais ne trouvant aucune utilité à s’y complaire. N’avait-il pas fait face à des situations plus désespérées ? Il essaya tant bien que mal de se consoler et, sentant ses genoux se dérober sous lui et son pouls s’accélérer –à force d’habitude les signes avant-coureurs, peut-être par clémence, lui semblaient bien plus clairs qu’à d’autres–, il se dépêcha de gravir les derniers échelons et fit de son mieux, avançant vaille que vaille à quatre pattes, pour ne pas passer trop près de l’Esprit et ne pas le bousculer. L’endroit courait sur la quasi-totalité de la largeur de la maison et, sans être vaste, il n’était pas non plus trop exigu. Le plafond pentu et la pénombre où se dessinaient tantôt le contour d’un drap blanc, tantôt le coin d’un meuble avait pourtant quelque chose de tout à fait oppressant. Un vacarme de tous les diables lui emplit les oreilles –mais accoutumé au calme de sa chambre, alors que les autres n’étaient pas là, il devinait là un tour de son esprit. Sans oser trop s’écarter, sans oser trop s’approcher, Leandre se terra dans un coin entre le vieux buffet dont la porte ne fermait plus, ce qui avait dû lui valoir de finir entassé là, et une chaise à trois pieds que leur beau-père passait son temps à se promettre de réparer sans en avoir le temps mais qui, à n’en point douter, aurait brisé le cœur de Florian si elle avait fini en petit bois. Un sourire pâlot échappa au petit à la mention de son frère : il s’attachait facilement aux objets. Levant les yeux vers son inquiétant vis-à-vis, Leandre vit se mirer dans ses yeux le reflet de la flamme. Il ne voulait pas que tu t’évanouisses, se répéta-t-il, c’est donc qu’il ne veut pas d’ennuis. Il veut rester ici. Mais il ne veut pas d’ennuis, donc il ne te tuera pas. Feindre une chute lui paraissait plus simple qu’un enlèvement en bonne et due forme. Alors il reprit un peu de couleur et ferma les yeux, désireux, vraiment, de ne pas s’évanouir, et tritura nerveusement les manches trop longues de son pull de laine épaisse.
« Pardon, c’est juste que quand je m’inquiète, mon cœur bat trop vite et…, et, s’interrompit-il, conscient du peu d’intérêt que porterait son interlocuteur à ces détails techniques. Vous voulez faire du mal à ma famille parce qu’on est humains, ou au hasard ? Vous n'allez rien faire de mal ? »
Le gamin avait demandé cela de but en blanc sans vraiment espérer de réponse –si ce n’était peut-être qu’il ne voulait pas leur faire de mal.
« Vous savez, si vous me laissez descendre… Je ne dirais rien. Je vous le promets, je ne suis pas… »
Un mouvement trop brusque fit décoller un nuage de poussière qui voltigea dans l’air renfermé du grenier. Leandre toussa un moment et se cala contre le meuble, clairement agité. Et toujours aussi inquiet –les paroles précédentes de l’interlocuteur sur la durée de sa visite lui avaient complètement échappées.
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| | | Rhys Ahnae'nsë
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Mer 3 Avr 2013 - 9:19 | |
| Le machin vert ne sembla pas comprendre. Pas tout de suite, du moins. C'était pourtant clair ; monter, monte, grimpe, reste pas planté là, ne descend pas – tout ces ordres étaient on ne peut plus compréhensibles et ramenaient au même résultat. A savoir, un invité de plus dans le grenier. Qu'il puisse avoir peur de lui était de nouveau passé en second plan, relégué aux informations sans importance ni poids. Après tout, il avait bien précisé qu'il restait uniquement le temps que la pluie s'arrête. Ce n'était pas comme s'il avait affiché un sourire inquiétant et menacé sa famille, non ? Non. Il admettait ne pas avoir l'air d'un type particulièrement net, pas de ceux auxquels on a envie de faire confiance, mais de là à être considéré comme un tueur potentiel... Il y avait de la marge. Ceci dit, il admettait qu'il aurait fait un tueur sensationnel. Congeler cet humain ne lui aurait pas demandé trop d'efforts. Le trouble-fête, finalement, se décida à grimper jusqu'en haut. Rhys le regarda faire, mi-soulagé mi-agacé, et profita de ce qu'il s'éloignait pour contempler la trappe. Ainsi ouverte, l'échelle dépliée, il ne ferait aucun doute pour quiconque passant à proximité que quelqu'un s'y était rendu : la fermer aurait eu le mérite d'être plus discret. Le problème étant – et il se tourna vers l'inconnu à cette pensée – que si quelqu'un en bas décidait de partir à la recherche du disparu, ne pas le trouver créerait sans doute un détestable vent de panique. En clair, ce ne serait pas mieux. Ils ne penseraient peut-être pas à monter au grenier, c'était jouable ; stressant, aussi. Or Rhys détestait être stressé. Avisant que la petite chose verte s'était tassée dans un coin, il ne put retenir un semblant de sourire. Peut-être allait-il lui demander une feuille pour rédiger ses dernières volonté, vu la tête qu'il tirait. Et dire qu'il n'était rentré ici que pour éviter d'être trempé... Il en serait quitte pour avoir filé une peur bleue à un gamin. Ou une gamine ; ne pas en être sûr commençait par ailleurs à lui taper sérieusement sur le système.
L'humain ouvrit la bouche, déblatérant un instant sur l'état de son cœur, et le jeune homme ne put empêcher son expression déjà peu aimable de se renfrogner un peu plus encore. Comme si tomber sur un humain n'était pas suffisant, il fallait que c'en soit un fragile ? C'était bien sa veine, ça.
« Vous voulez faire du mal à ma famille parce qu’on est humains, ou au hasard ? Vous n'allez rien faire de mal ? »
Hein ? Sourcils haussés, l'Esprit fit quelques pas en direction du meuble où il avait posé ses gants en arrivant. Toujours trempés, évidemment. Les mots qu'on venait de lui adresser, quoi que lourds de sens, ne parvinrent que difficilement à se faire entendre. Il avait froid, cette foutue flamme ne le réchauffait pas assez et, tant qu'à faire, manipuler le feu le mettait sacrément mal à l'aise – alors non, vraiment, il n'était pas d'humeur à écouter quelqu'un dire des bêtises pareilles. Qu'est-ce qu'il aurait pu en avoir à faire, de sa famille ? S'il avait eu dans l'idée de les tuer, outre le fait qu'il n'avait pas l'âme d'un assassin, celui-là n'aurait déjà plus été capable de dire le moindre mot. Rhys avait toujours eu dans l'idée que se débarrasser correctement de quelqu'un demandait une grande maîtrise de soi, de la rapidité, de l'efficacité et un sang froid à toute épreuve. S'il avait voulu tuer les occupants de cette maison, il aurait gardé ses gants et les aurait tué un à un, sans bruit. Mais là encore, ça n'aurait rimé à rien. Tuer pour tuer... Ça n'avait pas le moindre sens.
« Vous savez, si vous me laissez descendre… Je ne dirais rien. Je vous le promets, je ne suis pas… »
Un nuage de poussière tira une quinte de toux à celui qui avait jugé bon de le déranger ; l'Esprit, ennuyé, plissa le nez. Ils auraient pu faire le ménage, au moins. Fatigué, il éteignit la flamme d'un geste du poignet. Jugeant plus prudent de ne pas s'approcher – ce n'était pas le moment de faire hurler qui que ce soit, franchement – il se contenta de rester là où il était. Tourné vers la silhouette de l'humain, bras croisés, il poussa un soupir agacé.
« Je donne ni dans l'enlèvement ni dans la torture, lâcha-t-il platement. J'avais juste pas envie de prendre l'eau. Et je serais resté là sans déranger personne si tu t'étais pas ramené, je te signale, alors arrête de flipper. »
Son regard glissa vers la fenêtre, songeur. Tout ça par la faute de ces foutues averses.
« Ils risquent de te chercher, en bas ? »
Maintenant qu'il avait précisé ne pas vouloir l'enlever, poser des questions douteuses du genre devait être autorisé. En tout cas, il s'en donnait le droit. |
| | | Leandre Callandra
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Dim 7 Avr 2013 - 15:34 | |
| Les yeux écarquillés, à présent plus immobile qu’une statue de cire, Leandre se demanda ce qu’en dirait sa mère lorsqu’elle apprendrait qu’il était mort –ou qu’il n’en avait pas été loin à tout le moins, positiva-t-il mollement, à moitié convaincu. Tout ce qui lui arrivait n’était que le résultat désastreux de sa désobéissance et de sa curiosité mal placée, celle-là même qui l’avait poussé à se rendre au grenier au lieu de tranquillement se reposer dans son lit, à regarder la pluie battante s’écraser contre les carreaux. C’est de ma faute, s’admonesta le gamin, je n’aurais pas dû. Et cette fierté ridicule qui avait scellé son sort ! Aller chercher quelqu’un eût été mille fois plus intelligent, la prudence lui avait mille fois enseigné ses bienfaits ; et lui, stupide devant l’Eternel, avait eu peur qu’on se moquât de lui. Et alors, qu’est-ce que cela aurait changé ? Ils en auraient ri tous ensemble, au lieu de quoi il se retrouvait là, terré dans un coin près d’un meuble cassé et d’une chaise estropiée, à prier de tout son être qu’on le laissât descendre en comptant sur sa couardise monumentale. Dieu qu’il pouvait être un imbécile, parfois. Ce n’était pas à Alexandre qu’une chose pareille serait arrivée, pour sûr ! Lui, aurait jeté quelque chose à la figure du dangereux criminel et n’aurait pas seulement pensé à s’enfuir, aurait rabattu dans le visage ou les genoux de l’étranger la trappe et l’aurait coincé là-haut avant d’avertir leur mère et de faire un sort aux petits-oignons à ce type, avant de le conduire aux autorités compétentes –c’est sans doute leur beau-père ou leur frère qui s’en serait chargé, et l’affaire rondement menée n’aurait fait aucune victime. Pas plus de bruit que nécessaire. Sauf qu’Alexandre n’était pas là. Et que lui n’aurait réussi qu’à se prendre lui-même le battant dans le nez.
L’Esprit éteignit la flammèche et Leandre se recroquevilla un peu plus, jusqu’à sentir le bois dans son dos :
« Je donne ni dans l'enlèvement ni dans la torture. J'avais juste pas envie de prendre l'eau. Et je serais resté là sans déranger personne si tu t'étais pas ramené, je te signale, alors arrête de flipper. »
Une nouvelle fois, le gamin chétif dû se faire violence pour intégrer les paroles de son vis-à-vis, entre le tintamarre qui cognait contre ses tempes et la fanfare qui lui paraissait toujours hurler dehors. L’endroit était mal isolé. Il avait froid malgré son pull. On ne comptait pas l’enlever. Il crut d’abord que le brun allait se débarrasser rapidement de lui et ferma les yeux, leva ses bras à hauteur de son visage comme pour se protéger avant de comprendre. De sa vie, il s’était rarement senti aussi ridicule. Un sourire tremblant agita ses lèvres : optimiste mais pas attardé, il se doutait qu’il pouvait s’agir d’une supercherie quelconque destinée à le faire taire le temps qu’il faudrait. Pourtant, il lui semblait sincère. La justesse de la remarque arracha une seconde de silence dans les pensées confuses de Callandra qui ne trouva rien à y redire, tant et si bien qu’il dût, à contrecœur, se laisser convaincre. Le petit sourit donc un peu plus volontairement, ses genoux ramené contre son torse. Cet homme essayait de le rassurer, au fond –vraiment maladroitement mais l’idée était là. Leandre souhaita que ce ne fût qu’une manifestation de la bonté qui s’escrimait dans ce bas-monde, et pas une stratégie pour mieux en finir avec eux. Discrètement. Sans un bruit. Toujours effrayé, il jeta un coup d’œil à la trappe : il n’était peut-être pas aussi fort que son frère, mais la rabattre d’un coup sec était dans ses cordes. Surtout depuis que son interlocuteur s’était reculé. L’échelle ainsi coincée, il ne faisait aucun doute que quelqu’un aurait été alerté et serait venu lui prêter main forte –mais entre-temps, que pouvait-il lui arriver…
« Ils risquent de te chercher, en bas ? »
Leandre redressa la tête, comme pris en flagrant délit ; et s’il avait lu dans ses pensées ? Quelle serait sa réaction ? Il sut que s’il ne répondait pas dans les plus brefs délais, il aurait eu l’air suspect. Son plan serait tombé à l’eau ; pas que cela l’attristât réellement. Les conséquences en revanche apparaissaient en flashs effrayants devant ses yeux sapin. Alors il ne réfléchit pas et donna aussitôt la première réponse qui lui passa par la tête :
« Oh, non, je suis censé rester dans ma chambre, on m’appellera d’ici ce soir, c’est sûr, mais maman est occupée en bas. »
Andouille, jura-t-il une seconde plus tard en silence. Foncièrement honnête, le mensonge n’était pas un automatisme chez lui et, pour une fois, il le regretta amèrement. Si on ne le cherchait pas, pourquoi le laisserait-on descendre ? Mais quelle sombre andouille.
« Enfin, on pourrait tout de même venir vérifier si je vais bien », ajouta-t-il, les yeux braqués au sol. Son mensonge avait beau ne pas en être vraiment un, il en avait l’impression et elle s’imprimait durement sur sa voix et les traits de son visage. « Si vous vouliez, vous… Vous auriez pu frapper à la porte et vous abriter dans la boutique… Le temps qu’il arrête de pleuvoir, et rentrer chez vous, on ne vous aurait pas… Mis dehors. »
Leandre releva les yeux et l'étudia de pied-en-cap ; il avait l'air d'avoir été surpris par la pluie.
« Vous allez attraper la mort, à rester trempé, déclara-t-il avec inquiétude, du Leandre tout craché. Vous devriez au moins prendre une couverture, dans le meuble... Dans le couloir, il y en a. »
Il secoua la tête, la peur pour sa propre personne revint à la charge. Il n'aurait pas dû se préoccuper de cet homme ; mais s'il disait vrai, alors... |
| | | Rhys Ahnae'nsë
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Jeu 11 Avr 2013 - 9:48 | |
| Ainsi calé dans son coin, l'humain ressemblait plus à un petit animal acculé, terrorisé et tremblotant qu'autre chose. Rhys n'avait pas mauvais fond, quoi qu'il était d'une discutable gentillesse ; s'il avait pu le rassurer sans détruire dans le même temps son caractère même et sa fierté, il l'aurait fait. Malheureusement, en l'état actuel des choses, il doutait d'être en mesure de faire quoi que ce soit. A part lui assurer que « non je ne vais pas te tuer, pas que ça à faire » et espérer qu'il le prenne au mot, il était un peu à court d'idées. Assurer quelqu'un de ses bonnes intentions – ou d'absences d'envie de meurtre – était plus compliqué qu'il n'y paraissait. Plus compliqué qu'assommer le problème et l'abandonner dans un coin, en tout cas. Mais c'était sûrement ce genre de réflexions qui donnaient raison au gamin de ne pas avoir confiance en lui, aussi essaya-t-il de ne pas s’appesantir trop longtemps sur cette solution potentielle. Aussi tentante soit-elle.
« Oh, non, je suis censé rester dans ma chambre, on m’appellera d’ici ce soir, c’est sûr, mais maman est occupée en bas. »
Occupée en bas ? Le jeune homme acquiesça, plus ou moins satisfait de la réponse. Il aurait préféré qu'ils soient seuls dans la maison, tant qu'à faire, mais ç'aurait été beaucoup en demander. Une mère affairée à il-ne-savait quoi, ce n'était pas si mal : il mesurait sa chance. Tant qu'elle n'avait pas de sixième sens maternel ou n'importe quelle autre idiotie du genre la reliant à son... enfant, ça ne devrait pas trop poser problème. Le temps qu'elle ait remarqué sa petite escapade au royaume de la poussière et des vieux meubles, la pluie se serait arrêtée – et lui serait parti comme il était venu. C'est à dire par les toits. Vaguement rassuré, quoi qu'il aurait nié avoir été inquiet, l'Esprit secoua ses gants dans le vide.
« Enfin, on pourrait tout de même venir vérifier si je vais bien. » Ça faisait partie des risques ; ils feraient avec. « Si vous vouliez, vous… Vous auriez pu frapper à la porte et vous abriter dans la boutique… Le temps qu’il arrête de pleuvoir, et rentrer chez vous, on ne vous aurait pas… Mis dehors. »
Un ricanement amusé fut sa seule réponse. Frapper à la porte ? Et puis quoi, encore. De un cela revenait à demander la charité, chose qu'il ne supportait pas ; de deux, il était loin d'être persuadé qu'on ne l'aurait pas mis dehors, justement. Bien des personnes n'étaient pas d'un naturel engageant – quant-à l'autre moitié, ils n'auraient tout simplement pas apprécié l'idée d'avoir un jeune homme peu aimable et potentiellement infréquentable dans leur maison ou leur boutique. Il ne se faisait pas d'idées : ses tenues négligées, ses cheveux en bataille et son air naturellement peu sympathique le ramenaient facilement au rang de voyou ou voleur en tout genre. Puisqu'une de ses passions était le crochetage de serrures, ce n'était pas tout à fait faux non plus. Alors entre frapper à l'entrée pour abîmer son ego – sans compter les « pourquoi tu ne rentres pas chez toi » et compagnie – et se glisser dans un grenier, la question ne se posait même pas.
« Vous allez attraper la mort, à rester trempé. Vous devriez au moins prendre une couverture, dans le meuble... Dans le couloir, il y en a. »
Rhys lui jeta un regard hébété ; parce qu'il s'inquiétait pour lui, maintenant ? Super. Il n'avait besoin d'être aidé par personne, encore moins par quelqu'un qui aurait mieux fait de se soucier de son propre sort. Agacé, il jeta ses gants sur le meuble où ils reposaient précédemment.
« Nan, ça ira. J'ai vécu pire, je me passerai de tes couvertures. »
Conscient malgré tout qu'il risquait en effet d'attraper la mort, il tira sur les bords de son pull pour le passer d'un geste habitué par-dessus ses épaules. Ce n'était pas exactement la température idéale pour se promener en débardeur, mais au moins il n'avait plus de tissu humide sur le dos. Ça lui éviterait de se mettre à éternuer comme un abruti plus tard. La veste vint rejoindre les gants – dont un avait bien failli finir au sol, tiens ; la flamme réapparut au creux de sa main gauche. De nouveau immobile et silencieux, il se demanda dans quelle mesure le bruit de ses pas pouvaient se répercuter à l'étage du dessous. Enfin... Si maman était en bas, ça signifiait sûrement encore un niveau plus bas. Elle n'entendait certainement rien.
« Et si j'avais dit que j'ai nulle part où aller, vous m'auriez adopté ? » Un sourire amusé étira ses lèvres ; il secoua sa tête de gauche à droite. « Je préfère les greniers. Enfin tant que personne vient les visiter. »
Il grommela cette dernière remarque avec un ennui évident. Les imprévus, c'était toujours agaçant. D'autant plus que c'était de sa propre faute : s'il avait été plus discret, personne ne serait monté. Pour quelqu'un qui faisait toute une affaire d'être discret, justement, ça fichait un sacré coup au moral. Penché sur un meuble cassé qu'il considérait réparable, il pria pour que l'averse ne dure pas. |
| | | Leandre Callandra
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Mar 23 Avr 2013 - 15:44 | |
| Lorsque l’Esprit jeta avec humeur ses gants sur le meuble, Leandre se recroquevilla un peu plus encore contre le vieux buffet, au point où le brun aurait été en droit de se demander s’il n’avait pas dans l’idée de se fondre avec le bois sec. Il laissa ses bras retomber lorsque le tissu trempé atterrit sur autre chose que son visage –et il ne se trouva pas si ridicule que ça d’avoir pensé qu’il aurait pu les lui envoyer à la figure parce qu’au fond, ses paroles avaient très bien pu ne pas lui plaire. Il y en avait des gens qui, préférant sans doute la facilité à tout le reste, avaient pour toute réponse la violence et la colère. Le petit n’en était pas ; ses colères, passagères, étaient d’un ridicule plus enclin à semer le rire et le désarroi qu’autre chose, sans parler de peur. Mais cet homme –c’était une autre histoire : il était plus grand, manifestement plus fort, manifestement plus agile, plus ceci, plus cela. Il n’était pas rassurant. Il est peut-être gentil malgré tout, coupa Callandra. Ses muscles tendus ne paraissaient pas d’humeur à le croire.
Et pourtant, c’est ce qu’ils firent à contrecœur. Incapable de n’avoir plus peur, Leandre se mordit la lèvre et baissa les yeux. Le regard ainsi rivé au sol, il se laissa aller à méditer un instant les paroles de l’étranger –presque sans le vouloir. Il avait vu pire ? Mais alors quoi ? Etait-ce une raison pour geler sur place ? Il allait certainement attraper un méchant rhume –et si Leandre avait appris à les craindre, le reste du monde avait appris à les détester. Avait-il donc peur de se faire attraper ? C’était peu probable. Il le lui avait dit ; il était seul à l’étage ce jour-là. Le gamin chétif ouvrit la bouche, prêt à insister, mais se ravisa au dernier moment dans un sursaut de logique et d’instinct de survie. Ce n’était sûrement pas une si bonne idée. Les draps ici étaient occupés d’une armée endormie de poussières qu’il valait mieux ne pas éveiller et les rendait inutilisables. Ils devaient être bien troués pour que leur mère ou lui-même n’aient eu le temps de les repriser, de toute façon.
« Et si j'avais dit que j'ai nulle part où aller, vous m'auriez adopté ? »
Leandre hésita, une moue dubitative peinte à son insu sur ses traits. De peur qu’il salît la maison, sa mère refusait catégoriquement qu’il eût un chat ; de peur qu’il ramenât toutes sortes de bêtises, sa mère refusait catégoriquement qu’il eût un chien ; elle n’appréciait pas plus qu’Astrid mît un pied chez eux. La petite, gentille pourtant sous ses airs un peu bizarres, ne ressemblait en rien à un dangereux individu. Il sut pourtant que ce n’était pas par manque d’humanité et que leur porte serait restée ouverte pour un jeune homme poli et surpris par la pluie battante. Cela dit, le brun trempé n’avait rien de poli, s’infiltrait dans les greniers et lui filait une peur bleue.
« Je préfère les greniers. Enfin tant que personne vient les visiter. »
Les greniers étaient souvent froids et traversés de courants d’air. Leandre releva la tête et, fait qui n’avait plus rien d’exceptionnel même en de telles circonstances, il se mit à culpabiliser. Bien sûr, qu’il n’aurait pas dû monter : il avait attiré des ennuis à tout le monde. Tout de même ce n’était pas entièrement de sa faute, tout de même ça l’était au moins un peu. Prenant au mot l’intrus, il déglutit péniblement et tira encore sur ses manches définitivement distendues. Le pauvre n’avait donc nulle part où aller ? Pas de maison, pas de parents pour s’inquiéter ? Etait-il une victime de la guerre, une parmi tant d’autres à avoir vu son toit disparaître ? Avait-il été contraint de déménager, n’avait-il trouvé nulle part où s’installer ? Le problème était-il encore plus grave ? Comptait-il lui faire du mal ? Avait-il seulement mangé, était-ce un mendiant ? Leandre détestait croiser des mendiants –il ne pouvait jamais rien leur donner et savait que changer une vie ne changeait pas le monde.
Et comme toujours, il se sentit atrocement mal et privilégié jusque dans son malheur.
« Vous n’avez vraiment nulle part où aller ? Je pensais que vous vouliez nous faire, du mal, vous savez, je suis désolé. J’aurais demandé à ma mère de ne pas vous jeter dehors, enfin… Vous avez sûrement raison, abdiqua-t-il, elle aurait sûrement refusé… »
Leandre soupira, toujours en alerte –et prêt à décamper en vitesse si les choses se corsaient. Toutefois il cessa de triturer ses mains alors qu’il demandait, réflexe malheureux :
« Mais vous mangez, au moins ? Si vous n’avez pas de maison ! »
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| | | Rhys Ahnae'nsë
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Ven 3 Mai 2013 - 5:47 | |
| A la lueur faiblarde de la flamme qui vacillait doucement au-dessus de sa paume, Rhys tapota le bois sec de la commode qui lui faisait face. Tout ces meubles devaient être cassés d'une façon ou d'une autre ; bon à servir de petit bois. Ou en attente de réparations. Enfin, ceci dit... S'ils étaient là à prendre la poussière, c'était certainement que rien n'était prévu pour eux dans un avenir proche. C'était bien à ça que servaient les greniers, après tout. Stocker. Mettre un peu de tout, du n'importe quoi, saupoudrer de poussière et assaisonner d'oubli. La recette parfaite pour les squatteurs dans son genre. Chaque fois qu'il entrait sans un bruit dans une pièce comme celle-là, l'odeur de renfermé le prenait à la gorge. C'en était à vous rendre malade, parfois : de la saleté, des draps, des petits animaux qui couraient se réfugier dans un nid de fortune. Rien de bien glorieux. Alors ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux, non, et il aurait sans doute mieux valu pour lui crécher chez son ami plus régulièrement, mais en un sens ces vieilleries lui plaisaient assez. S'il avait eu les outils nécessaires, il aurait pu essayer de le réparer. Faire quelque chose pour le pied de cette chaise, donner quelques coup de marteau dans cette armoire... Ça en aurait valu la peine, de son point de vue. Seulement personne n'avait jamais le temps. Lui y compris. Et cette fois, Rhys n'avait pas envie de s'éterniser ici. Ces deux yeux verts qu'il devinait posés sur lui sans même avoir besoin de se retourner, suppliants ou peut-être apeurés, commençaient à refléter des égards dont il ne voulait pas. Et la pluie qui continuait de noyer la capitale sous ses trombes d'eau...
Ça s'annonçait mal, cette histoire.
« Vous n’avez vraiment nulle part où aller ? Je pensais que vous vouliez nous faire, du mal, vous savez, je suis désolé. J’aurais demandé à ma mère de ne pas vous jeter dehors, enfin… Vous avez sûrement raison, elle aurait sûrement refusé… »
Tiens, un peu de bon sens. Profitant du peu de lumière que dispensait la flammèche et résolu à devoir discuter pour passer le temps – pas qu'il ait une meilleure idée, quoi qu'il en soit – le jeune homme abandonna la commode pour détailler son présumé otage. Un peu, que ta mère aurait refusé, grinça-t-il pour lui-même. Et elle aurait eu sacrément raison. Déjà qu'une famille d'Esprits lambda n'aurait pas été rassurée d'héberger un jeune potentiellement louche et très certainement enclin aux vols, fut-ce pour quelques minutes seulement, que dire d'un foyer d'humains ? Ils devaient avoir bien assez de problèmes comme ça pour en plus vouloir tenter la malchance et lancer les dés. Non, vraiment. Si sa mère avait deux sous de jugeote, elle l'aurait gentiment congédié. Ou gardé à l’œil, en tout cas – ce qui li aurait tellement déplût qu'il serait ressorti dans la minute. Être considéré comme un criminel n'était pas exactement plaisant. Il avait sa fierté. En clair, c'était ce grenier ou rien.
« Mais vous mangez, au moins ? Si vous n’avez pas de maison ! »
Et voilà qu'il recommençait avec sa pseudo-compassion à deux sous. Une grimace contrariée étira les lèvres de Rhys ; la flamme gagna légèrement en intensité. Non, en fait ce n'était pas sa « pseudo-compassion à deux sous » qui l'énervait – c'était la sorte de... D'inquiétude réelle qui teintait sa voix quand il lui demandait quelque chose d'aussi ridiculement sans importance. Ce gamin, cette gamine, et en fait peu importe ce que c'était, avait vraiment un drôle de sens des priorités. Sérieusement ; est-ce qu'on s'inquiète du régime alimentaire de la personne qui vient de vous faire monter de force dans un grenier qu'il habite sans permission ? Non. Bien sûr que non. Ce n'était pas tant qu'il ne voulait ni faire pitié, ni avoir l'air dans le besoin – quoi que ça jouait sûrement, il ne l'aurait pas nié – qu'un profond sentiment de « ça ne te regarde pas ». Sil y avait sa vie, celle des autres et point final : se préoccuper du sort des autres, c'était juste pas possible. Trop de cas désespérés.
« Si je mangeais pas je serais mort, répondit-il sans une once de sarcasme, coudes appuyés sur la commode dans son dos. J'ai pas l'air mort, non ? Donc c'est que ça va. »
Tant qu'il ne crevait ni de faim ni de froid, tout lui allait. Un endroit où dormir, de quoi se changer, un peu d'argent... On vivait étonnamment bien avec étonnamment peu, quand on savait se débrouiller. Or Rhys savait se débrouiller. Ça s'apprenait sur le tas.
« Puis je suis pas un chat abandonné, ajouta-t-il en fronçant les sourcils. J'ai pas besoin qu'on s'inquiète pour moi. Tu ferais mieux de... De surveiller ton cœur, ou je sais pas quoi. »
En espérant que la poussière ne l'achève pas. Il ne tenait pas à se retrouver avec un mort sur les bras. Bref coup d’œil vers la fenêtre, yeux fixes. La pluie était partie pour durer encore un moment. N'était-ce pas fantastique, hein ? Ils avaient encore le temps de discuter, parti comme c'était. Agacé par le bruit de l'eau qui frappait contre la vitre, le jeune homme chercha sans trop se forcer un sujet de conversation ne l'impliquant pas ou peu. A part la question agaçante de son genre, rien ne lui vint. Ah. Quoi que.
« Qu'est-ce que tu fiches encore à l'Ouest, si t'as peur qu'on t'agresse ? C'est ce que j'appelle chercher les ennuis. » |
| | | Leandre Callandra
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Jeu 9 Mai 2013 - 16:46 | |
| Tu ferais mieux de te taire et de ne pas trop l’énerver, se recommanda chaudement Leandre pour imposer un semblant de silence aux questions inquiètes qui se bousculaient à ses lèvres. Qui était-il pour s’inquiéter du sort d’un dangereux individu ? La tête baissée, le gamin ne put s’empêcher de songer que ce garçon pouvait tout aussi bien avoir bon fond ; personne n’était en droit d’exiger d’un pauvre homme sans toit sur sa tête de sembler gentil au premier abord. La vie pouvait être rude. Rude parce qu’elle chassait ses pantins dans des greniers traversés de courants d’airs et remplis de draps rongés aux mites ; rude parce qu’elle trouvait bon de leur enlever le pain du la bouche ; rude parce qu’un tas d’autres choses déprimantes auxquelles il n’avait aucune envie de penser mais qui, à coup sûr, hantaient l’esprit de cette pauvre âme. Une seconde de plus et il eût paru tout à fait légitime au petit Humain que le brun l’assignât à résidence près de ce meuble poussiéreux en guise de pénitence. La peur, toujours prégnante, faisait malgré tout courir sur ce visage froid des ombres inquiétantes qui laissaient derrière elles des traces de méchanceté gratuite. Les dents serrées, Callandra ramena ses genoux sous son menton et se demanda, pour la énième fois, ce qui avait pu lui prendre de monter seul ici et ce qu’avait pu traverser ce type avant d’en arriver là.
« Si je mangeais pas je serais mort, déclara l’inconnu sur le ton plat de l’évidence. J'ai pas l'air mort, non ? Donc c'est que ça va. »
Leandre rentra encore un peu plus les épaules ; l’un d’eux au moins était détendu. Sa réponse évasive déclencha aussitôt une triste sonnette d’alarme. Qui n’appréciait pas un gâteau de loin en loin, un légume doré quand l’estomac déjà plein ne criait plus famine ? Vite écœuré et surtout malade, le petit évitait les nourritures trop riches qui le clouaient au lit et lui faisaient sauter les deux repas suivants. Ce qui ne l’empêchait pas d’apprécier ces moments et de trouver un côté pitoyable à se contenter d’une survie légère faite de greniers et d’un minimum vital dont le seul but était de ne pas être mort et de ne pas en avoir trop l’air. Loin d’être rasséréné par cette affirmation, un soupir infime et ridicule entrouvrit ses lèvres l’espace d’un instant.
« Puis je suis pas un chat abandonné. J'ai pas besoin qu'on s'inquiète pour moi. Tu ferais mieux de... De surveiller ton cœur, ou je sais pas quoi. »
Les remontrances enfoncèrent le gamin dans le meuble plus qu’on ne l’eût cru possible. Saisi d’une brusque envie de disparaître, Leandre tordit ses doigts emmêlés autour de ses genoux et chercha que répondre sans rien trouver. Peut-être que c’est plus judicieux de se taire, continua-t-il, d’autant qu’il faut reconnaître qu’il n’a pas tout à fait tort. Le muscle fatigué dans sa poitrine avait ralenti ses battements effrénés pour reprendre un rythme plus soutenable sur le long terme.
S’il avait passé son temps à s’inquiéter de son cœur et de ce qui avait une fichue tendance à ne pas tourner très rond chez lui, cette obsession ne lui aurait pas laissé le loisir de faire grand-chose d’autre. C’était plus commode de s’inquiéter pour les autres, c’était plus utile de se soucier de ce à quoi on pouvait remédier. Se tourner les pouces, broyer du noir, des occupations trop glauques pour le caractère à la fois calme et enjoué de la silhouette assise dans la semi-obscurité, les yeux rivés à présent à la flammèche qui dansait, fascinante, sur la paume de l’intrus.
Le charme se brisa instantanément lorsqu’il ouvrit la bouche et que celle de son vis-à-vis se tordit en conséquence. Il n’avait pas de réponse à y donner. Pas vraiment. Pas du tout, juste un peu, c’était vague, diffus comme la lumière fadasse qui s’engouffrait malgré les nuages par la lucarne. Motivé par le besoin de démentir, Leandre répondit après un bref moment d’hésitation :
« On ne cherche pas les ennuis ! Simplement, on vivait déjà ici, et… Enfin… »
C’était pourtant simple : un déménagement coûtait cher ; il y avait leurs habitudes, celles de Florian que personne ne tenait à bouleverser parce que personne n’aimait le voir pleurer ; il y avait Jack, dont le travail rapportait le gros de leurs économies ; il y avait Josh, à qui on n’avait pas le droit d’imposer ça non plus ; il y avait lui, qu’un voyage aurait éreinté au-delà du raisonnable. Pour toutes sortes de raisons, rester à Jiang-Zemin valait mieux pour leur famille. On s’habituait à leur présence et, faute de l’apprécier, on la tolérait, parfois même avec bienveillance. Une capuche sur la tête, les yeux rivés aux pavés qui défilaient, inégaux, sous ses pieds, Leandre passait inaperçu. Il pensa une seconde à Astrid, restée là elle aussi.
Parler de ses parents restait délicat –un mélange que d’aucuns ne voyaient pas d’un bon œil. Ces billes de verre coloré avaient l’apparence inerte d’une glace sans tain.
« Le mari de ma mère, explicita-t-il malgré tout, une boule dans la gorge. C’est un Esprit, comme vous. Ce serait la même chose là-bas et… On est bien, ici, c’est… Pas comme vous croyez, enfin, je sais pas, mais… »
Reprenant une once d’un semblant d’assurance, il continua :
« C’est pas comme si des gens s’introduisaient tous les jours dans notre grenier pour nous y séquestrer. C’est même une première. »
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| | | Rhys Ahnae'nsë
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Mar 14 Mai 2013 - 18:28 | |
| Et quand on cherche les ennuis, on les trouve, commenta-t-il pour lui-même. Rhys n'avait jamais éprouvé une grande empathie envers les humains : la guerre civile n'avait fait que raviver et nourrir cette flamme qui ne demandait qu'à grandir. Dans son cas, il s'agissait même plutôt d'une boule de glace de plus en plus froide et solide d'indifférence et de dégoût. Ces yeux trop expressifs l'énervaient, cette religion incompréhensible l'agaçait, ces visages qui se tournaient et se détournaient sans cesse lui tapaient sur les nerfs. Il n'avait jamais été élevé entouré d'humains. Ses parents n'avaient que peu d'amis de cette race. Ça avait dû jouer, sûrement – et s'il avait su mettre de côté un instant sa haine envers ses géniteurs, sûrement aurait-il réussi à l'admettre. Seulement non. Il préférait ne pas chercher les pourquoi et les comment. Les regarder de travers et leur dire haut et fort qu'il aurait préféré les savoir de l'autre côté de la frontière lui suffisait largement. Ceux qui étaient à l'est, au moins, ne les dérangeait pas. Il éprouvait autant d'antipathie pour eux que pour les Neko ou les Elfes ayant décidé de squatter leur territoire : ça ne lui plaisait absolument pas, de devoir partager comme ça. Si encore ils n'avaient eu nulle part où aller... Et c'était bien la seule raison, le seul fichu détail qui l'empêchait de penser que les Neko n'avaient qu'à faire demi-tour et rentrer chez eux. Qu'ils n'aient nulle part d'autre où aller. Pour les humains, c'était différent. Pour cet humain, c'était différent. Qu'une famille puisse sciemment rester là où ils auraient des problèmes parfois à n'en plus finir... Ça le dépassait, tout simplement. Ceci dit, vu ses propres choix de vie, il était sûrement mal placé pour en juger. Vivre dehors plutôt que chez soi n'était pas plus compréhensible.
« On ne cherche pas les ennuis ! Simplement, on vivait déjà ici, et… Enfin… »
Et, enfin, blah, blah, blah ; Rhys croisa les chevilles, attentif à défaut d'avoir autre chose à faire. Techniquement, quelle que soit la raison cachée derrière ces balbutiements, ce serait toujours la faute des adultes. Les enfants se contentaient de suivre – on leur laissait rarement le choix. Alors entre aller à l'est ou rester à l'ouest... Quand il s'agissait d'une que décision l'on prenait pour soi-même, peu importe : si toute la famille était impliquée, c'était forcément plus délicat. « On » devait avoir une foutue bonne raison pour avoir voulu consciemment s'imposer ça. Ça ou ils étaient juste complètement stupides. C'était plausible.
« Le mari de ma mère. C’est un Esprit, comme vous. Ce serait la même chose là-bas et… On est bien, ici, c’est… Pas comme vous croyez, enfin, je sais pas, mais… »
Ah. Il n'avait pas pensé à ça. Perplexe, un peu décontenancé, il perdit le fil de ses pensées. D'un côté ou de l'autre, ouais, ça ne changerait pas grand chose vu leur situation. Alors autant se séparer, non ? Elle mourrait bien avant lui de toute façon. C'était s'imposer beaucoup de chagrin pour pas grand chose, ce genre de romances idiotes. Que deux adolescents trouvent ça beau et idyllique, soit : pour une aventure, pourquoi pas. Mais un couple marié... Un rire bref s'échappa d'entre ses lèvres ; dissipé, déconcentré, il laissa filer un juron en voyant la flamme s'éteindre à nouveau. Le feu était vraiment un élément insupportable. Si seulement la glace avait pu les éclairer, il ne se serait pas fait prier pour ouvrir la fenêtre. Un peu d'eau suffisait à son bonheur.
« D'accord. Dégager le beau-père serait en option, hein, marmonna-t-il comme pour lui-même. Peu importe. »
Inutile de se prendre la tête ici : il avait encore besoin de s'abriter un moment et, à priori, faire hurler son otage risquait d'écourter drastiquement son séjour clandestin. Ce qui impliquait d'éviter toute querelle superflue, de ne pas le frapper et de ne rien lancer dans sa direction. Entre autre. Il n'était pas très sûr des règles à observer quand on séquestrait quelqu'un à domicile, mais ça ne devait pas être plus compliqué que ça. Il se fichait bien qu'il se souvienne de son visage ou s'amuse ensuite à le dénoncer aux autorités. En soi, il n'avait rien fait de mal.
« C'est une grande première pour moi aussi, hein. » L'Esprit passa une main derrière sa nuque, ennuyé par l'obscurité mais trop agacé pour éclairer quoi que ce soit. « D'ailleurs je te séquestre pas, je... »
Il marqua une pause, pensif. Il ne le séquestrait pas, ça, il en était sûr. Il se contentait de le retenir dans le grenier le temps que la pluie cesse. Contre sa volonté. Sous la menace, d'une certaine façon. … Et c'était exactement ce en quoi consistait une séquestration. Il ne manquait plus que les cordes.
« Bon, à moitié, concéda-t-il en croisant les bras. Mais ça pourrait être pire. Je pourrais vouloir te faire du mal. Ou t'enlever. Estime-toi heureux. »
La fin de sa phrase se noya dans un heureu-se indécis. Estime-toi, en tout cas. |
| | | Leandre Callandra
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Lun 20 Mai 2013 - 21:49 | |
| Leandre se demanda ce que pensait l’intrus de la maisonnée où il avait fait halte le temps d’une averse –c’était à tout le moins ce qu’il racontait et le petit était tenté, tant par naïveté que par commodité, de le croire sur parole. Sa mère, investie bon gré mal gré dans la communauté, n’avait jamais fait de mal à personne ; quant à Jack, cet homme avait le cœur sur la main. Leur amour avait de quoi arracher un joli sourire à n’importe qui, à part peut-être Alexandre qui, pour une raison qui lui échappait toujours, ne vouait pas à cet homme très vite débarqué dans leur vie une admiration sans bornes. Lui et une armada de sceptiques à la mine dubitative au regard tantôt aveugle, tantôt brillant desquels une entreprise aussi stupide n’avait aucune chance de porter le moindre fruit dès le départ. Le brun se mit à rire un peu, son que Callandra eût tôt fait d’interpréter comme goguenard plus qu’incrédule. Il lui disait pourtant la vérité ; ils vivaient pourtant très bien. Les menaces des débuts avaient perdu en substance à mesure que le temps filait bon train. C’était cette confiance tranquille et sans lendemain qu’il fallait blâmer, jurait Leandre. Je n’aurais pas dû monter, se sermonna-t-il encore une fois.
Et lorsque la flammèche s’éteignit, il crut la fin venue pour de bon. A peine adressa-t-il à Dieu quelques prières précipitées, rencogné dans son fauteuil de fortune. Les ténèbres s’effacèrent en un instant. Jamais le gamin ne fut si heureux de les voir déguerpir. Un sourire niais couronna son expression soulagée en dépit des paroles odieuses de l’inconnu. Il ne savait pas ce qu’il disait, à l’évidence, et Leandre ne lui en tint pas rigueur. Il fallait ne pas connaître son beau-père pour penser des choses pareilles ! D’autant qu’acheter où se loger ailleurs eût été franchement difficile. Ne pas aller au-devant des ennuis, disait-il, eh bien, c’était exactement ce qu’ils faisaient. Le mieux était souvent d’aller au plus simple et le plus simple, ici, était justement de rester. Ce n’était pas la première fois que ces pensées le hantaient, mais comme de coutume, elles repartirent sur une note joviale et résignée.
En revanche se faire enlever de la sorte, il avouait n’y avoir jamais songé –maman a dû prévoir le coup des dizaines de fois, en rit-il amèrement.
« C'est une grande première pour moi aussi, hein. D'ailleurs je te séquestre pas, je... »
D’abord soulagé, l’Humain darda sur lui ses yeux de merlan frit dans l’attente d’une réponse qui tardait à se faire entendre. S’il ne le séquestrait pas, que faisait-il alors ? La perspective d’une nuance moins négative à la situation eût ravi Leandre, sincèrement. Peut-être cela fut la raison pour laquelle il baissa la tête, dépité, quand son vis-à-vis capitula :
« Bon, à moitié. Mais ça pourrait être pire. Je pourrais vouloir te faire du mal. Ou t'enlever. Estime-toi heureux. »
Nouveau haut-le-cœur, nouveau centimètre cube d’espace libéré par le garçon qui se recroquevilla –encore, à peine plus, les bras serrés autour de ses genoux sur la fabrique épaisse de son pantalon. Engoncé dans son pull, il ressemblait à une boule de laine mal dégrossie. Heureux ? A tousser dans une pièce où il n’avait pas seulement le droit de se rendre, en compagnie d’un individu qui, malgré ses dires, n’avait peut-être pas que de pieuses intentions, et qui en plus de cela risquait de mourir de froid parce qu’il refusait d’aller se chercher une couverture et n’avait nulle part où aller ? C’était le monde à l’envers ! Conscient que sa situation eût pu être bien pire, Callandra ne se plaignait pas : à qui la faute de toute manière ? Pourquoi se plaindre du sort quand c’était lui, Leandre et nul autre, qui avait décidé de pousser cette trappe par-dessus sa tête ? Il concéda un sourire pâlichon :
« Je sais bien, c’est simplement que… Vous savez que c’est illégal ? »
Regard au sol, puis aux yeux vitreux du brun :
« Ça aurait été mieux si j’étais pas monté, je suis désolé. Dites, lâcha-t-il, pas plus dérangé que ça de passer du coq à l’âne, vous faites souvent ça ? Vous cacher dans les greniers. C’est un peu… »
Il hésita, une seconde, deux secondes, et mit le doigt sur le mot qu’il cherchait :
« Triste. » |
| | | Rhys Ahnae'nsë
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Ven 7 Juin 2013 - 19:04 | |
| Occupé à définir le terme « séquestrer » sous tout les angles, en quête de quelque chose qui peut-être lui permettrait de se convaincre que si son otage décédait d'une crise cardiaque ce ne serait pas de sa faute, Rhys en oublia pour un temps le bruit de la pluie battante dans son dos. Il n'était pas quelqu'un de spécialement fréquentable, il ne portait qu'une attention très modérée aux règles et il lui arrivait même de voler, parfois, mais le jeune homme ne se considérait définitivement pas comme une menace pour les habitants de Jiang Zemin. Ou juste quelques marchands. Ce jour-là était une exception, rien de plus. D'ailleurs, s'il était tombé non pas sur une petite chose verte cachée dans un coin mais sur un gamin bruyant et débrouillard, il n'aurait pas eu d'autre choix que de filer. Mauvaise pioche, voilà tout. Et puis peu importe – au lieu de questionner une éthique dont il n'avait pas besoin, il aurait mieux fait de s’asseoir en silence et d'attendre que le temps passe. Après tout il se fichait bien de savoir ce qu'en pensait l'invité surprise tassé entre ses vieux meubles : ça ne durerait pas, quoi qu'il en soit. C'était ce qu'on appelait « un mauvais moment à passer ». Dès que la pluie aurait cessé, il repartirait aussi vite qu'il était venu. Sans laisser ni traces ni séquelles. Ou juste quelques unes, mais bien contre son gré. Ce n'était quand même pas de sa faute s'il était tombé sur quelqu'un de si impressionnable. Avec une bonne ouïe, aussi. Foutus meubles qui refusaient de tenir en place.
« Je sais bien, c’est simplement que… Vous savez que c’est illégal ? »
Sans rire. Ce n'était pas comme si la moitié de sa vie était devenue illégale, n'est-ce pas. Entre sa manie de dormir chez les autres à l'improviste, son obstination à rester résolument loin de chez lui et son entêtement à continuer de vivre de façon plutôt précaire, Rhys ne savait qui était le plus à blâmer – son foutu caractère, celui de ses parents ou la société en général ? Un peu des trois, sans doute. Un mauvais mélange. Qui menait à l'illégalité, donc – et oui, il savait que séquestrer les autres dans leur propre demeure n'était pas permis par la loi. Si ça avait été le cas, il l'aurait su depuis longtemps. Ça l'aurait tellement amusé qu'il ne l'aurait probablement jamais oublié. Son intelligence faisait toute la différence. Il l'était suffisamment pour traîner dans les mauvais quartier sans finir les os, le foie ou le moral en mille morceaux. Tout était une question de modération et d'objectifs. Lui en avait. Ça lui permettait de se lever le matin, de se coucher le soir. Il n'avait pas besoin de grand chose d'autre. L'humain s'excusa de nouveau et, dans un souffle, Rhys se jura que s'il réussissait à le faire culpabiliser, il lui ferait manger le premier truc qui lui passerait sous la main. Les personnes qui pleurnichaient pour un rien, s'excusaient de tout et s'inquiétaient pour les autres étaient vraiment bien, oui, exemplaires – loin de lui. Quand elles venaient lui taper sur le système pour savoir s'il mangeait assez et lui faire remarquer que sa façon de vivre était vraiment triste...
C'était irritant. Juste irritant.
« Ouais, très souvent, répondit-il avec une certaine animosité dans la voix. Un soir sur deux. Peut-être même deux sur trois. C'est froid, inconfortable et horriblement triste. Alors quoi ? »
Agacé, les cheveux encore humides et les muscles fatigués d'avoir trop grimpé ici ou là, il se laissa finalement glisser contre la commode. Jambes pliées, bras appuyés sur ses genoux, il poussa un long soupir. Ce n'était pas triste, à ses yeux. Ce qui était triste, c'était de ne plus avoir nulle part où aller – de ne plus avoir personne à qui revenir. Là où il dormait dans des greniers, d'autres étaient à la rue. Il y avait toujours pire que soi, plus mal loti à plaindre ou mépriser. Une fois dans la situation, ça ne semblait plus si anormal. Et quand bien même il aurait été mourant et sans domicile, ce n'était pas une famille d'humain qui aurait pu y changer quoi que ce soit. S'apitoyer ne servait à rien.
« Écoute. Peut-être que t'aimes culpabiliser sur tout les chiens perdus mais, grande nouvelle, t'y peux rien. Y'en a trop, ajouta-t-il avec lassitude. Tu passerais ta vie à être triste pour les autres. » |
| | | Leandre Callandra
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] Sam 22 Juin 2013 - 22:32 | |
| Au ton de sa voix autant qu’à ses mots, Leandre sut qu’il l’avait énervé quoiqu’il ne comprit sur le coup pas vraiment pourquoi. Qu’avait-il raconté de si révoltant ? Quel mot de trop avait pu irriter son interlocuteur ? Le gamin avait beau n’avoir rien d’une lumière, sa sottise n’avait pas plus de renom que ça, pas assez à tout le moins pour qu’il ne devinât pas que dans la position dans laquelle il se trouvait, bien contre son gré d’ailleurs, taper sur le système de ce charmant tortionnaire potentiel en puissance n’était pas la plus brillante des idées qui eût pu lui traverser l’esprit. Qu’importait au fond qu’il réfléchît trop, qu’il pesât ses mots ou se tut, il lui semblait que cette histoire ne pouvait que mal se terminer. A quoi bon passer en revue ses remarques ? S’il n’y avait rien remarqué de dérangeant à première vue, il y avait somme toute peu de chances qu’une étude plus poussée menât à un autre résultat. Il acceptait ce fait comme bien d’autres sans mot dire.
Mais tout de même, cette question le turlupinait sérieusement : qu’avait-il dit de mal ? La sollicitude n’avait rien de mauvais en elle-même. Un instant, Callandra songea que derrière cette agressivité pétrie d’ironie se cachait une lassitude sans fin et un pauvre cœur blessé. Mais quoi, alors ? Que pouvait-il y faire, lui ? L’intrus ne voulait clairement pas de compassion sous son toit –ou sous le mien, corrigea le petit Humain, mais, bref, c’est la même chose, grosso modo. De son côté, il ne pouvait pas se débarrasser de la sienne et, sécheresse acerbe mise à part, ce pauvre type avait l’air d’en avoir vu de toutes les couleurs avant d’atterrir là, dans son grenier poussiéreux. A la pensée de ces petits grains voltigeant dans l’air, Leandre toussota derechef, persuadé qu’une pneumonie l’emporterait avant qu’il eût le temps de dire quoi que ce fût pour sa défense. Bon point, il n’aurait pas à mentir à sa mère quand, morte d’inquiétude, elle lui demanderait s’il s’était bien reposé.
Son vis-à-vis assis, il se sentit plus tranquille, plus à son aise. Un Esprit l’eût tué en levant le petit doigt, ce n’était qu’une question de compétence. Et pourtant, rien ne délogeait de sa tête parfois un peu simplette que ne pas être à portée de bras équivalait peu ou prou à être en sécurité.
« Écoute. Peut-être que t'aimes culpabiliser sur tout les chiens perdus mais, grande nouvelle, t'y peux rien. Y'en a trop. Tu passerais ta vie à être triste pour les autres. »
Leandre ouvrit la bouche mais, puisqu’il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il devait rétorquer, il se ravisa et se tut. Il y avait de quoi s’en vouloir : c’était loin d’être la première fois qu’on lui assénait ce genre de remarque, comme si à grands coups de marteau on allait lui faire entrer du plomb dans la tête. Ces gens le pensaient plus stupide qu’il ne l’était vraiment. Qu’il ne pût pas sauver tout le monde ni être triste pour chacun, c’était un fait. Mais qu’il ne pût sauver personne pour autant, c’était un mensonge. Bon, concéda Callandra, sauver c’est un grand mot, mais aider, déjà, faire ce que je peux. Que sa vie ne batte jamais de record de longueur n’était pas une excuse pour la vivre en égoïste. Etre triste pour les autres, ça valait toujours mieux qu’être triste pour soi-même. C’était un joli sentiment.
Et puis il fallait bien se justifier comme on pouvait quand on ne pouvait pas faire autrement. Altruiste par nature, pas franchement ; mais, tout de même… Il n’avait pas à s’occuper de tout le monde. Ceux dont il croisait le chemin, c’était un minimum d’humanité.
« On n’est pas triste quand on aide quelqu’un. Au contraire, s’exclama-t-il avec une belle énergie. Ça ne change rien que je fasse quelque chose, d’accord, mais ça ne changera rien non plus si je ne fais rien, alors…, eh, autant essayer. »
Défendre des valeurs aussi belles qu’elles sonnaient d’ordinaire creuses lui conférait une éloquence plus affirmée que d’ordinaire. En dépit de quelques irréductibles bafouillages qu’on ne lui connaissait que trop bien.
« Vous n’avez pas un petit peu faim ? » |
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| Sujet: Re: « Tout semblait rangé, vieux, et en ordre, d’autant qu’il pût en juger. » [PV : RHYS AHNAE'NSË] | |
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