| | Auteur | Message |
---|
Quinlan Withaker
Nombre de messages : 6
Localisation : Chez lui. Emploi/loisirs : Réparer des meubles et s'occuper de son chien. Humeur : Passable.
Inscrit depuis le : 16/04/2012 Esprit, Gardien
| Sujet: WITHAKER Quinlan {V.1} Mar 17 Avr 2012 - 3:18 | |
| | | WITHAKER Quinlan working my way through the day • • • | "Shout confessions from the greatest heights, where no one can hear ; all my fears, my insecurities are falling like tears" |
Acte de naissance ▬ | Nom : Withaker. Prénom : Quinlan, Gaelin. Âge : 24 ans. {26/06/1537} Race : Esprit. Camp : Annahita, Illea Ouest. Pouvoir : Premièrement, comme tout Esprit, Quinlan utilise la magie. Deuxièmement, il est loin d'être incompétent. Au contraire. Un bon potentiel de base ajouté à un travail assidu sur la durée lui ont permis d'arriver à un niveau plus que correct vu son âge. Il n'a pas de vraie spécialisation, il se contente d'apprendre à faire ce qu'il veut savoir faire. Disons qu'il est plus à l'aise avec la terre que les autres éléments, sait interagir avec les objets à distance [/size] (enfin tant que c'est pas des armoire)[size=12], sait créer des protections/entraves en cas de besoin... Sinon, il va apprendre à faire pousser des ailes en bois à sa commode. Fonction : Gardien à Aïcé. Lieu de résidence : Jiang Zemin, Ouest, Illea ; une semaine sur deux, il est à Aïcé. Famille : Quinlan est l’aîné d'une famille composée de quatre enfants et deux parents. Son père, Gaelin, a quarante-huit ans et travaille à l'entretien des routes. Sa mère, Aneesa, a cinquante-et-un ans et s'occupe de la maison. Sa sœur, Alexia, a vingt-deux ans et aide sa mère pour les diverses tâches ménagères en attendant de se marier. Son frère, Tierney, a vingt-et-un ans et aide à la fabrication de pièces métalliques diverses, pour les meubles, portes ou autres notamment. Son frère, Elrich, a dix-sept ans et est apprenti dévideur. Il devrait avoir un frère de dix-neuf ans et une sœur de seize, Aldway et Lyssa, tous deux morts en bas âge. Son grand-père maternel, Lieven, est mort il y a cinq ans ; depuis sa grand-mère, Edona, vit avec ses parents. Ses grands-parents paternels, Gaelin (Sr.) et Halina, habitent à Hererra et il leur rend visite de temps à autre. Sa mère est l’aînée de trois enfants ; son père est le cinquième fils d'une fratrie de sept garçons. Il a un certain nombre de cousins/cousines dont il est plus ou moins proche, mais il ne voit la plupart qu'à l'occasion de réunions annuelles ou pour certaines fêtes. Il a également eu une fiancée, Violette, qu'il n'a pas revu depuis la Guerre Civile. Leurs fiançailles ont été officiellement rompues, quoi qu'il en soit. On peut aussi citer son chien, Al, puisqu'il le suit partout. Il mesure une soixantaine de centimètres, est fauve-charbonné avec le museau et les oreilles noirs, type Malinois. Et il a six ans. Étant donné qu'il ne sort jamais sans lui, ça pourra éventuellement vous être utile. Aime : S'assoir devant une cheminée ; Les fins de journées ; Sa famille et ses amis ; Les personnes respectueuses ; Les chiens ; Les Esprits ; Les aliments ou boissons chaudes et tout ce qui est nourrissant de manière globale ; L'eau ( à boire, pas pour nager) ; Les grosses couvertures ; Les choses et les gens simples ; Le bois, il trouve que c'est un beau matériau ; Les forêts ; Les noisettes et les noix ; L'ordre, la loi et la sécurité ; Les règles ; La neige, tant qu'il n'y en a pas trop ; Les vêtements pratiques et résistants ; L'honnêteté ; Le silence ; Avoir quelque chose à faire ; Pouvoir se rendre utile auprès de ses proches ; Les parapluies ; Qu'on l'écoute sans l'interrompre ; Se lever tôt ; Se promener dans le marché ; Se salir. Il sait pas, ça lui donne l'impression d'avoir bien travaillé. N'aime pas : Tomber ; Les fauteurs de troubles, voleurs, tueurs etc ; Les écureuils, souris et autres rongeurs nuisibles ; Les couleurs trop vives ; L'été, et plus il fait chaud plus il hait ça ; Les fruits, s'ils lui tombent sur la tête ; les échelles ; les personnes de peu de vertu ; Les ciseaux ; Les escrocs ; Les peintures, les tableaux ; Les autres religions que la sienne, même s'il essaie de les respecter ; Le blanc ; Faire la cuisine ; Traverser les rues ; Les endroits bondés ; Devoir remplacer un meuble ; Les dépenses inutiles ; Les personnes qui vivent sur le dos des autres ; Les fainéants ; Qu'on parle de lui dans son dos. Il hait ça. Ça le met dans une colère noire. Mais alors, vraiment. Très. Noire.
| | • Description Physique • Quinlan, dans son adolescence, s'est trouvé tour à tour laid et beau comme un Dieu ; maintenant, il hausse les épaules et se place dans la moyenne. A vingt-quatre ans il se sent suffisamment mature pour ne plus se laisser aller à ce genre de complexes – injustifiés, de surcroît – et ne fait plus le compte uniquement de ses qualités ou défauts. Résultat, sa vision de lui-même est à peu près juste : il est dans la moyenne, plus ou moins. Et ça tombe drôlement bien puisque Quinlan, au final, aspire juste à vivre tranquillement, à passer inaperçu. Dans ce sens, la nature est loin d'avoir été cruelle envers lui. Son mètre soixante-dix-sept et ses soixante-huit kilos et quelques lui permettent d'avoir une carrure tout à fait correcte pour un homme, et s'il s'en est plaint par le passé il a malgré tout appris à s'en satisfaire. Ça ne l'aurait certes pas dérangé d'être un peu plus grand, ne serait-ce que pour atteindre le très emblématique mètre quatre-vingt, mais on ne peut pas tout avoir. Dans son cas, ces trois centimètres lui feront à jamais défaut – et comme ce n'est pas s'en désoler qui va y changer quoi que ce soit, il préfère s'en contenter. Plus physique qu'intellectuel, il est normal pour lui qu'un homme entretienne son corps et reste en forme, ne serait-ce que pour pouvoir travailler et s'assurer une vie confortable. Il n'est de fait pas un fil de fer et fait attention à ne pas trop prendre de poids ou, au contraire, trop en perdre. Sportif, tout simplement, il entraîne sa force et sa souplesse régulièrement pour ne pas subir le contrecoup d’entraînements trop intensifs ou, à l'inverse, de trop longues périodes d'inactivité. Pour faire simple, Quinlan a des abdos et n'imagine pas vivre sans – d'ailleurs il ne comprendra jamais ce que l'on peut trouver à des garçons trop fins ou efféminés, puisque pour lui ça signifie plus ou moins qu'ils ne sont bons à rien ( mais il est poli, alors il garde ce genre de réflexions pour lui ). Son visage, lui, est celui d'un jeune homme bien portant. Il fait son âge, avec une marge d'erreur raisonnable suivant les personnes. Plus de grands yeux idiots, plus de visage rond et boudeur ; il a un faciès qui, sans être carré et viril à l'extrême, a le mérite de ne pas le rajeunir. Son visage dans son ensemble est assez commun, ni magnifique ni disgracieux, et ses expressions ne sont ni dures ni trop douces. S'il fronce les sourcils il aura l'air sévère ; s'il sourit il aura l'air aimable. Rien de notable. Ses yeux, marrons, sont aussi vides que ceux de tous les Esprits et tantôt suivent les mouvements, tantôt ne bougent pas. Il arrive qu'il ne daigne même pas tourner sa tête vers son interlocuteur quand pourtant, à d'autres occasions, il suit les moindres mouvements de son chien des yeux. Il n'y a pas de vraie règle pour cela, c'est totalement aléatoire ; 'une habitude qui reprend ou non le dessus', dirait-il. Ses cheveux quant-à eux sont de la même teinte que ses yeux, ni clairs ni foncés, courts et coiffés assez simplement au-dessus de ses sourcils et à l'arrière de sa nuque. Les avoir trop longs l'agace et les avoir devant les yeux l'insupporte, donc il n'a guère le choix de ce côté-là. Au moins, avec ce genre de coiffure, quelques coups de ciseaux de temps en temps et une minute chaque matin suffisent à lui donner l'air présentable. Passer deux heures à arranger ses cheveux lui donnerait l'impression de perdre son temps pour rien, et s'il les gardait longs il y aurait de grandes chances pour qu'au bout du compte il finisse tout de même par tout couper. Donc courts, coiffure simple. Parfait. Niveau vêtements, même combat que pour ses cheveux : il ne veut pas y passer deux heures. Il n'a de toute façon que peu d'habits et de tenues. Premièrement il considère que s'il en assez pour vivre, en acheter d'autres serait stupide, et deuxièmement il pense fermement qu'avoir trop de choix est mauvais pour sa santé. S'il a trois chemises, au moins, il ne va pas se poser d'inutiles questions : il prend celle qui est à gauche et voilà, problème réglé. Il ne met en général que des chemises de couleurs sombres ( avec une ou deux exceptions ) résistantes et assez légères ; en contrepartie, il enfile toujours une veste plus chaude par-dessus. Uniquement des pantalons, foncés et pratiques, qui ne le gênent pas dans ses mouvements. Il n'a qu'une paire de bottes, ce qui règle le problème des chaussures. Il aime également mettre des gants et, s'il fait froid, il est possible qu'il ajoute une écharpe ou un chapeau à sa tenue. Il fait attention à ne pas avoir l'air d'un guignol, bien entendu, mais dans la mesure où tous ses vêtements sont très simples, il serait difficile de mal les accorder entre eux.
• Description Mentale • Quinlan ne se distingue en surface pas de ses voisins, de ses amis, des garçons de son âge. Il est équilibré. Tout d'abord, c'est un homme qui ne rechigne jamais à la tâche : il est travailleur et a l'habitude de fournir des efforts. Tout se mérite ou se gagne, tout vient à point à qui sait attendre ; à ses yeux il n'y a pas défaut plus irritant que la paresse. Ne rien faire ne mène nulle part, et si l'on ne marche pas alors comment attraper une main tendue ? Il déteste les personnes qui passent leur temps à s'apitoyer sur leur sort et n'est jusque là jamais tombé dans ce travers. Pas plus pessimiste qu'il n'est optimiste, il n'est tout simplement pas de ceux qui aiment faire des plans à tout va. Il part du principe que les imprévus sont inévitables et préfère vivre la vie au jour le jour, sans tout cadrer au millimètre près. Pas imprudent pour autant, il fait attention à assurer son avenir et a toujours eu à cœur de partir travailler serein. Il vit de façon à n'avoir aucun regret. De façon à ce que si un jour il lui arrivait quelque chose, sa vie soit en ordre. C'est très important pour lui. Pour quelqu'un qui est persuadé que les vies sont des châteaux de cartes précaires, il est malgré tout drôlement organisé. Il n'aime pas le désordre, d'un point de vue matériel. Les vêtements qui traînent, les détritus n'importe où et les affaires posées de ci de là, très peu pour lui. Chaque chose a sa place. Ça lui évite de perdre bêtement du temps pour rien. Pas maniaque mais méticuleux, ça oui. Il aime les choses bien faites, les petits détails qui font les jolis ensembles. Il est du genre à s'émerveiller d'une boucle d'oreille qui ferait toute la beauté d'une robe ou, au contraire, à grogner contre un pavé mal enfoncé qui gâche la régularité d'une belle route. Il a le goût du travail bien fait et se décrirait lui-même comme étant un tantinet perfectionniste. Quand il fait quelque chose, il veut le faire bien. C'est à cause de cela qu'il a tendance à trop s'en demander, à lui comme aux autres. S'il pense que vous pouvez faire mieux, il vous le dira. Et sans prendre de gants. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas quelqu'un de méchant. Il est concerné par le sort des autres sans pour autant être généreux à l'extrême et aidera volontiers quelqu'un tant que ça n'empiète pas sur ses priorités. Il ne va pas instinctivement vers les autres mais, quand il le fait, c'est rarement de manière intéressée. Il ne donne pas à tout va, non ; se montrer généreux ou prévenant envers lui sera cependant une bonne initiative. Quinlan est loin d'être ingrat, et l'aider lui ou un de ses proches c'est se garantir une reconnaissance équivalente. Il garde les comptes, toujours. Pour chaque service rendu, il vous rendra quelque chose. D'une manière ou d'une autre. Mais Quinlan, c'est avant tout quelqu'un d'inflexible. Mentalement, c'est un roc. Il sait résister à la pression, ne craque pas, sait gérer son stress. Il ne se laisse pas impressionner, sait réagir vite. S'il décide de s'accrocher à quelque chose, rien ni personne ne pourra lui faire lâcher prise. C'est, en clair, quelqu'un qui sait extrêmement bien réagir face à une situation de crise. Il ne prévient qu'une fois, et inutile de jouer les mal-entendants ; il n'est pas de ceux qui se répètent. Peu importe que vous l'ayez vraiment mal entendu ou non. Il sait laisser ses sentiments de côté et il n'y a pas plus professionnel que lui. Le menacer ne marche pas, le faire chanter ne marche pas. Il n'y aura pas meilleur gardien que lui pour vos secrets s'il juge important de les garder. Il ne cède pas, ne plie pas. Ne craque jamais, et surtout pas en public. Il faut dire que le jeune homme n'est pas du genre à faire étalage de ses sentiment. Il ne dit jamais assez aux personnes qu'il tient à elles, et quand il le fait c'est de manière succincte, pas forcément évidente : faire part de ses sentiments n'est pas naturel, pour lui. Il a du mal. Même les étreintes ou les marques d'affection le mettent mal à l'aise, tant et si bien qu'il a tendance à les fuir. Ça n'est en aucun cas le signe qu'il feint l'amour qu'il vous porte ; ce n'est simplement pas son truc. Ce qui ne l'empêche pas de rire et de sourire avec ses amis ou de tapoter la tête de ses cadets. Il n'est pas très démonstratif, non, mais ses actions en disent suffisamment pour qu'il puisse se passer de verbaliser. Quinlan préfère travailler dur pour vous acheter quelque chose plutôt que vous écrire un poème et vous offrir des fleurs. Il n'a jamais été un grand orateur et ne le sera jamais. Parler est un moyen de se faire comprendre, certes, mais pas de prouver quoi que ce soit. Il se méfie des mots, qu'il trouve traîtres. Il croit dur comme fer que les efforts et les compromis en disent plus longs que les déclarations. Ni timide ni extraverti, il sait rester correct et évite les excès de toute sorte en public. Il pourra rire un peu trop fort ou crier un peu trop violemment s'il est en présence de ses proches, mais c'est bien tout. Calme et posé en général, il est rare qu'il s'énerve vraiment. Auquel cas il risque de vous faire comprendre sèchement que vous feriez mieux de le laisser tranquille avant que le vase ne déborde, ce que lui comme vous préférerait éviter. Si serrer les dents et lâcher le morceau est préférable, il prendra sur lui et le fera. Il supporte en revanche très mal les insultes – surtout si elles portent sur sa valeur ou les efforts qu'il fournit. Si un jour il vous attrape par le col, c'est que vous avez dépassé les bornes. Il reste honnête au maximum et évite l'hypocrisie et les mensonges, qui selon lui servent uniquement à lui créer plus d'ennuis qu'ils ne l'aident à en résoudre. Il n'est pas stupide, mais est très loin d’être intellectuel. Il sait réagir correctement et réfléchir avec adresse mais c'est bien tout. Pour finir, enfin, il considère l'amour comme une lubie adolescente – ni plus ni moins. Il sait que l'amour existe, oui, sait que beaucoup de personnes en font l'expérience et ne remet pas en question l'avenir de tous les couples amoureux d'Illea, mais... Tout de même. Pour lui, se marier trop jeune est ridicule. Ça ne marche pas. Donc il applique et vit avec son chien.
• Histoire • Histoire de votre personnage, 15 lignes minimum.► Quelques formalités :
♦~Code du règlement ? Je viens de me rendre compte que LE genre de personne que Quin détestait, c'était exactement Rhys. ♦~Comment avez-vous trouvé ce forum ? Genre jeune abruti qui respecte pas assez ses parents et fout rien de sa journée. ♦~Expérience en RP ? Il devrait le latter un coup pour lui apprendre la vie. ♦~Autre chose à ajouter ? PÉDOPHILE OLOLOL.
Dernière édition par Quinlan Withaker le Lun 12 Aoû 2013 - 6:13, édité 13 fois |
| | | Quinlan Withaker
Nombre de messages : 6
Localisation : Chez lui. Emploi/loisirs : Réparer des meubles et s'occuper de son chien. Humeur : Passable.
Inscrit depuis le : 16/04/2012 Esprit, Gardien
| Sujet: Re: WITHAKER Quinlan {V.1} Dim 10 Juin 2012 - 17:05 | |
| n°16 • Je ne t'aime plus, mon amourJe ne t'aime pluuuus, tous les jours. - Spoiler:
« Pourquoi il bouge plus, papa ? »
Les grands yeux bruns du petit garçon, fixement posés sur le visage grave de son père, ne lâchèrent pas prise. Il resterait là toute la nuit s'il le fallait. Il attendrait. Il saurait. Les secondes s'écoulèrent et, de nouveau, pas de réponse. Il voulut tendre son bras, atteindre le genou, la manche, la main de l'homme assis dans ce fauteuil juste en face de lui ; son geste, suspendu dans l'air, ne fut jamais terminé. Ses lèvres tremblèrent et il faillit se mettre à pleurer sous le poids du regard qu'on posa sur lui. Mais la sévérité de ces yeux noirs, fatigués et rougis, semblaient lui intimer de ne rien en faire. Il n'en fit donc rien.
« Parce qu'il est mort. »
La réponse le laissa coi. Mort ? Ce mot, pour le petit garçon de six ans qu'il était, sonna comme une incompréhensible tragédie. Comme les fois où sa mère était triste et pleurait. Parfois l'enlacer et lui dire qu'il l'aimait suffisait à la faire aller mieux. Parfois non. Il n'arrivait pas à comprendre ce qui n'allait pas, peu importe les efforts qu'il y mettait. C'était trop compliqué, beaucoup trop pour qu'il puisse tout saisir. Alors il enlaçait, oubliait, riait, pleurait. Oubliait. Ignorait, volontairement ou non, ce qui se passait autour de lui. Mais il y avait de la tristesse dans cette pièce. Tellement, tellement de tristesse. Son père ne pleurait jamais d'habitude, alors la mort devait être quelque chose de plutôt grave. C'est ce qu'il se dit, les lèvres serrées, les yeux emplis de questions muettes. Ça doit être très grave, s'il pleure.
Son bras à demi-tendu vint doucement se poser sur la couverture enroulée sur les genoux de son père. Ça doit être très, très grave pour qu'il ait pleuré.
« Il est mort ? Mais pourquoi ? »
Sa main caressa doucement la couverture, en quête de réponses, de questions, de n'importe quoi. Il referma ses doigts sur ceux, petits et déjà froids, de l'enfant que son père tenait dans ses bras.
« Ce qui vit est destiné à mourir, c'est ainsi. Tout le monde meurt un jour. »
La voix de son père se fit faible, presque distante à mesure qu'il parlait. Tout le monde meurt un jour. Tout le monde, sans exception.
« Aldway a peut-être juste froid, hasarda le petit garçon, inquiet, en serrant plus fort la main de son frère. Il est tout froid.
-Non, Quinlan. Il est froid parce qu'il est mort. Nous allons l'enterrer et tu ne le reverras jamais. C'est tout. »
Plus que ses paroles, ce fut le ton de sa voix qui le fit fondre en larmes. Dur, froid, sans appel. Sincère. Il est mort, il ne reviendra pas. Les larmes coulèrent sur ses joues sans qu'il cherche à les retenir, accroché à cette petite main comme si une vie en dépendait. Comme si ça pouvait changer quelque chose. Mais rien ne se passa, rien. Il continua de pleurer, son père ne fit pas un geste et son petit frère ne rouvrit pas les yeux. C'était incompréhensible. Quand sa mère pleurait, elle finissait toujours par arrêter. Quand il pleuvait, le soleil revenait toujours ensuite. C'étaient des cercles, uniquement des cercles. Des ronds sans fins dans lesquels ils pouvaient courir parce que, de toute façon, celui qui tombe finit toujours par se relever. Toujours. Pas jamais.
« Vas te coucher maintenant, ta mère et moi avons beaucoup à faire. »
C'est un cercle, un cercle. S'il s'est endormi il va se réveiller, c'est obligé. Mais la main restait inerte, les yeux fermés. Il avait l'air si tranquille, pourtant.
« Quinlan. »
Sentant la réprimande venir s'il n'obéissait pas, il desserra ses doigts et courut sans se retourner jusqu'à sa chambre. Les ressorts de son lit grincèrent quand il s'allongea dessus, prenant bien garde malgré ses larmes à ne pas réveiller les deux enfants endormis dans le lit à côté du sien. Il pleura encore une minute, puis deux. Cinq, dix. Au bout d'un quart d'heure, les poing serrés sur sa couverture, il sombra enfin dans le sommeil. Il va se réveiller, il va se réveiller, il va se réveiller. Le lendemain, Quinlan se réveilla. Aldway pas. Il resta hébété devant les larmes de sa mère, muet devant la fermeté de son père. Il ne dit rien à l'enterrement, ne sut pas quoi expliquer. A sa sœur, qui lui tenait la main. A son frère, accroché à lui. Il pleura, demanda des explications. N'en eut pas. Retourna se coucher. Les nuits qui suivirent l'enterrement et malgré sa fatigue grandissante, il ne réussit pas à fermer l’œil. Il passa des heures à somnoler devant le feu, incapable de clore ses paupières. Totalement tétanisé à l'idée que lui aussi, un jour, pourrait ne plus se réveiller. Terrorisé à la perspective de quelque chose qu'il ne comprenait pas.
« Mais si je dors, je peux rester coincé ! Non, j'ai trop peur, je peux pas, non non non ! »
Son père le gifla. Pas au point de lui faire mal, mais suffisamment pour qu'il porte sa main à sa joue et se remette à pleurer. La symbolique fut plus frappante que le geste en lui-même.
« Ne pas dormir te tuera encore plus vite. Vas te coucher. »
La joue rougie et le souffle coupé par ses larmes, il acquiesça en silence. Une main brusque mais rassurante vint se poser sur sa tête et, quand il se glissa sous ses couvertures, la voix de sa mère résonna doucement dans la pièce jusqu'à ce que le monde devienne flou et disparaisse. Ce ne fut plus qu'un murmure, puis un écho. Un bruit de fond qui tinta à ses oreilles jusqu'à ce que le noir ne l'enveloppe complètement.
La casserole claqua bruyamment contre le sol. Une voix ennuyée retentit au bout du couloir, mais Quinlan s'appliqua à ignorer les reproches de sa mère pour plutôt se concentrer sur sa prise. Il souleva avec mille précautions un des bords du récipient, joue contre le sol, et jeta un coup d’œil furtif dessus. Le résultat de sa chasse fila sans demander son reste par l'ouverture qu'il venait de créer. Il abattit vivement ses deux mains sur la petite bête grise qui tentait de filer sur le plancher, le sourire aux lèvres.
« Mamaaan ! J'ai eu la souris ! »
Sa mère poussa un glapissement horrifié – typiquement féminin, se dit-il en tenant fermement la souris entre ses mains closes tandis qu'il se redressait. Une souris n'avait rien d'effrayant. Si un garçon de dix ans le disait, il n'y avait vraiment pas de quoi s'en faire. Il poussa la casserole du bout du pied pour la caler contre le meuble et partit, bras tendus devant lui, en direction du salon. Quand sa mère, cheveux attachés et traits tendus, vit la queue qui dépassait de ses mains jointes, elle poussa un nouveau cri.
« Oh, chéri, mets ça loin de moi, d'accord ? Mets la dehors, tu veux bien ? »
Hmf. Elle aurait au moins pu le féliciter, quand même. Vexé qu'on porte si peu d'attention à son trophée de chasseur en herbe, il partit en direction des chambres d'un bon pas. Ses frères, Tierney et Elrich, étaient occupés à assembler des bouts de bois pour fabriquer il-ne-savait-trop-quoi et ne portèrent qu'un intérêt mitigé à la petite chose grisâtre qui s'agitait entre ses mains. Il entra donc dans la chambre de ses sœurs. Alexia, adossée au berceau de sa cadette, fit virevolter sa longue tresse auburn quand elle se tourna vers lui. Index appuyé contre ses lèvres, elle lui intima le silence sans prononcer un mot. Perturbé, il avança à pas de loups dans la petite pièce et ouvrit la fenêtre pour relâcher le souriceau. Il attendit que la petite bête se soit éloignée dans la rue pour refermer les battants sans un bruit et se pencher au-dessus du berceau.
Lyssa, emmitouflée dans une couverture blanche, respirait péniblement. Il passa une main affectueuse sur son front brûlant et poussa un soupir inaudible. La vie n'est pas un cercle. C'est une spirale. Et Lyssa ne passerait pas l'hiver. Ses parents ne leur disaient rien – sûrement pour ne pas les inquiéter – mais il voyait bien que sa petite sœur était au plus mal. Elle était tombée malade l'hiver de ses un an et, depuis, son état ne s'était pas amélioré. Elrich n'avait qu'un an de plus et était plein de vie ; elle passait son temps à dormir. Elle ne pleurait même plus. Sa mère passait la voir sans arrêt, l'air perdue, déboussolée. Son père faisait de son mieux pour ne rien laisser paraître. Tout ça, il le voyait. Elle allait mourir. Ils n'avaient pas de quoi lui payer des soins trop coûteux dont, de toute façon, ils n'avaient aucune garantie du résultat ; même s'ils l'installaient devant la cheminée et lui donnaient les meilleurs choses à disposition pour la nourrir, elle restait condamnée. C'était l'évidence même.
« Elle ne va pas mieux, murmura Alexia en posant tendrement un ourson en peluche près de sa sœur. Tu crois qu'elle a mal ? »
Quinlan resta sans rien dire, songeur. Est-ce qu'elle avait mal ? Il espérait bien que non. Parce que ça devait être insupportable, de souffrir au point de ne plus pouvoir en pleurer.
« Je ne sais pas. Mais ça ne durera plus longtemps, de toute façon. Elle sera tranquille après. »
Sa cadette eut l'air rassurée par ses paroles, quoi que ce n'était pas le but initial, et se laissa glisser au sol pour recommencer à jouer avec sa poupée. Mais oui, elle serait tranquille, après. Morte. Il n'avait aucune envie qu'elle s'en aille, et il sut dès l'instant où il quitta la pièce que cette petite chose brune allait terriblement lui manquer. Mais il n'y pouvait rien. La vie est une spirale ; à tout début il y a une fin. Il n'a jamais été question de cercle. Jamais. Il fila jusqu'à la cuisine, attrapa un bout de tissu et un crayon. Il s'appliqua à écrire bien correctement, comme on le lui avait appris, une lettre après l'autre. Une fois que le mouchoir fut noirci de son écriture fausse et maladroite, il le secoua et revint dans la chambre des filles. Il se pencha avec mille précautions au-dessus du lit et, tout doucement, enroula le tissu autour de son petit poignet.
« Qu'est-ce que tu fais ? »
Il fit signe à sa sœur de se taire et embrassa le front de Lyssa.
« Je lui laisse un mot, expliqua-t-il à voix basse. Comme ça, si un jour elle sait lire, elle saura combien on l'aime. »
Il ne savait pas si, un jour ou l'autre, elle saurait effectivement lire ; il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien y avoir après la mort. Tout ce dont il était sûr était que les Dieux veillaient sur sa sœur et que si elle devait s'en aller, elle serait entre de bonnes mains. Malgré tout, l'idée qu'elle puisse ne jamais se souvenir de lui enserrait son cœur dans un étau glacial. Ne serait-elle pas triste, si elle pensait qu'ils l'avaient laissé partir sans chercher à la retenir, à la soulager ? Il aurait tellement aimé qu'elle soit heureuse. Mais, comme tout le laissait croire, la petite fille ne passa pas l'hiver. Quinlan voulut insister pour qu'on l'enterre avec le mouchoir mais, à moitié délavé et abîmé, l'encre noire était devenue presque illisible. A quoi bon ? Il abandonna. Ce fut finalement sa sœur, accrochée à son bras, qui faillit pleurer pour qu'on ne le lui enlève pas.
« Elle lira avec le cœur, ça ira ! »
Oh. Les larmes montèrent jusqu'aux yeux de Quinlan mais il les repoussa sans autre forme de procès. Ça ira. Ça ira.
« Quinlan, rattrape ton frère tu veux bien ? »
Quinlan, docile, rejoint son frère cadet en quelques enjambées et le saisit sous les aisselles. Elrich avait beau être vif et plutôt grand du haut de ses sept ans, il ne faisait clairement pas le poids face à son frère aîné. Il se laissa traîner sans plus de protestations, mais sans esquisser le moindre geste pour se redresser et marcher de lui-même non plus. Arrivé devant la porte de la petite maison, Quinlan laissa tomber son cadet au sol avec beaucoup de délicatesse. Le petit brun émit un couinement de protestation, mais il fut tout comme le sourire moqueur de son aîné étouffé dans l’œuf par le regard sévère de leur père. Ils se tinrent tout deux droits et tranquilles jusqu'à ce que la porte ne s'ouvre sur un homme de qui, malgré sa carrure un peu frêle, émanait le même sentiment de sécurité et de bienveillance que leur mère.
« Aneesa ! Et Gaelin, toujours aussi souriant à ce que je vois. Allez, entrez, entrez. »
Les enfants entrèrent tous les uns après les autres, en ordre et sans bruit, et allèrent s’asseoir autour de la table du salon. Les visites chez son grand-père maternel étaient un événement que Quinlan n'aurait manqué pour rien au monde. Lui et sa femme étaient toujours gentils, prévenants, et voir quelqu'un s'adresser à son père de manière si tranquille et informelle le faisait toujours beaucoup rire. Ils n'habitaient heureusement pas très loin de chez eux, et quand l'envie lui prenait d'aller leur rendre visite ou que sa mère lui demandait de leur apporter un plat quelconque, il pouvait le faire sans avoir à s'inquiéter du temps que ça prendrait. C'était sûrement pour ça qu'il était plus proche des parents de sa mère que de ceux de son père. Ça et aussi, peut-être, leurs tempéraments respectifs. Être chez Lieven et Edona, c'était vivre entour de gâteaux et de soie ; chez Gaelin Sr. Et Halina, ils avaient tout intérêt à être bien habillés et à se tenir droit. Alors oui, l'affection qu'il portait aux uns ressemblait plus à un respect craintif chez les autres. Il lui semblait pourtant les aimer de la même façon.
« Alors, ça te fait quel âge Quinlan ?
-Quatorze ans.
-Déjà ? Et toi Tierney, tu as encore grandi, je me trompe ?
-Tu as déjà dit ça la dernière fois !
-Ah, vraiment ? Mais c'est que vous grandissez tellement vite. On dirait ton oncle à ton âge... »
Son grand-père fut interrompu par une quinte de toux. Quinlan s'efforça de rester souriant. Ça faisait un moment maintenant qu'il était malade, et il ne comptait plus les fois où sa mère lui avait répété qu'il était trop têtu pour se laisser mourir comme ça. Les médecins lui avaient donné un an à vivre tout au plus avant que sa toux n'aient raison de lui ; ça ferait bientôt deux ans. Et il était toujours là, optimiste et entêté, bien décidé à ne pas passer l'arme à gauche avant de n'avoir suffisamment vécu à son goût. Il avait l'air drôlement jeune et en bonne santé, pour un mourant.
« Tu as des idées de métier déjà, peut-être ? Je n'ai déjà demandé, c'est idiot. Tu es grand maintenant. »
Quinlan raffermit sa prise sur son verre, surpris. Il sonda un instant le regard vert foncé des yeux de son grand-père, puis questionna ceux d'un noir sans fond de son père. Il n'obtint en guise de réponse qu'un haussement d'épaule désintéressé. Ou peut-être gêné. Non. En fait, ça voulait dire 'tu es assez grand pour réfléchir par toi-même'.
« Je ne sais pas, non, répondit-il en toute franchise, un peu ennuyé. Mais je trouverais quelque chose.
-Oh, je n'en doute pas. Je sais que vous aurez tous un bel avenir. »
Comment il pouvait en être aussi sûr, Quinlan ne le sut jamais ; mais l'entendre dire une telle chose sur un ton aussi déterminé lui enleva un poids des épaules. Tout irait bien, oui. Il n'avait pas à s'en faire. Il était bon en magie, et quand ce n'était pas son père qui lui apprenait à maîtriser de mieux en mieux ce qu'il jugeait être un bon potentiel, c'était un de ses grand-parents qui prenait le relais. Il n'avait que peu fréquenté l'école, mais combien avaient les moyens d'y passer des années et des années ? Ça ne pouvait pas lui être si préjudiciable que ça. Il savait se débrouiller avec ses mains et là où Alexia courait après sa mère pour l'aider dans les tâches ménagères, lui demandait régulièrement à son père s'il y avait quelque chose qu'il puisse faire.
« Il y a plutôt intérêt, oui. »
Le ton brusque et contrit de son père arracha un soupir ennuyé à Lieven, qui fit un commentaire amusé sur le sens de l'humour de plus en plus diminué de son gendre. Il arrivait, parfois, que Tierney tienne tête à leur père et se fâche contre lui. Il le trouvait trop strict, trop distant. Lui pas. 'C'est mon père' était le seul argument qu'il aurait pu avancer pour justifier sa confiance et son obéissance sans bornes par rapport à lui ; pourtant, il lui semblait justifié. Il n'y a rien de plus précieux que la famille. Et plus il voyait ses parents, ses grands-parents, ses frères, sa sœur, plus il en était persuadé.
Le jour où j'aurais une famille, je veux être un aussi bon mari et un aussi bon père qu'eux.
C'est ce qu'il pensa, quand ils sortirent de la maison quelques heures plus tard. Il se le répéta quand son frère lui donna un coup de coude, dans la rue, et qu'il posa ses yeux sur la jeune fille qui sortait de la maison d'en face.
A quel point il avait tort, en revanche, personne ne le lui dit.
La jeune Violette, aux cheveux lilas et aux yeux dorés, toute de beige vêtue, venait de s'installer en face de chez son grand-père. Le même âge que lui, joliment ronde, elle et sa famille avaient dû venir habiter chez des proches suite à des problèmes financiers ; et Quinlan, en bon gentleman, s'est immédiatement proposé de lui faire visiter Jiang Zemin. 'C'est grand, elle risque de se perdre' ; 'Je connais par cœur, je pourrais lui montrer'. C'est donc sous l’œil suspicieux des parents de la demoiselle que lui, Violette et Théodore, le cousin de cette dernière, partirent explorer la ville ce jour-là. Il pointa à peu près tout du doigt, maladroit et un peu nerveux, et les aurait bien perdus à plusieurs reprises si Théodore n'avait pas été là pour rectifier. Quand ils revinrent ils étaient trempés par l'averse qui venait de les surprendre, fatigués et n'avaient pas retenu le moindre chemin ni même la plus petite boutique, mais au moins ils étaient souriants.
« J'aimerais bien refaire ça un autre jour ! Enfin, si tu veux bien. »
Quinlan balbutia une réponse sans grand sens, fut amicalement décoiffé par Théodore et fit un petit signe de la main à Violette avant qu'elle ne disparaisse chez elle. Et ce fut le début d'un long et douloureux monologue pour sa famille. Ses frères et sa sœur eurent droit aux merveilleux yeux dorés de Violette le matin, à ses jolis cheveux mauves le midi et à son adorable sourire le soir. En boucle et sans mode pause, continuellement. Sa mère s'en amusa, son père n'en fit pas cas. Alexia, après lui avoir parlé une ou deux fois, la jugea sympathique et n'objecta rien. Quant-à Tierney, il se fit scalper chaque fois qu'il osa insinuer qu'elle devrait perdre ne serait-ce qu'un gramme. Ils se revirent régulièrement suite à leur première rencontre, principalement pour faire le tour de la ville. Il s'appliqua à lui apprendre l'emplacement des marchands les plus proches, à lui indiquer les horaires les plus passantes et celles où il n'y avait personne. Il lui montra les ruelles à éviter, les pavés mal enfoncés. Et si à chaque fois il avait ce sourire stupide qui ne trompe pas, jamais elle n'en fit la remarque. Alors il continua de lui apprendre le plan de Jiang Zemin, seuls ou avec Théodore, sans jamais faire aucun commentaire sur ce qu'il ressentait pour elle. Ce qui n'était qu'un béguin d'adolescent fut entretenu par le silence, semaines après semaines. Plus il la regardait et plus il pensait l'aimer. Plus il lui souriait et plus il consolidait leur amitié. Il passa sur ce qu'il n'aimait pas chez elle, ne lui montra que les bons côtés de sa personnalité. Sans jamais s'énerver, sans jamais protester, sans jamais être blessant. Il mit tout ça de côté avec elle pour ne jamais la mettre en colère et ne jamais, jamais se faire détester de ses jolis yeux dorés.
Mais il fallait bien que ça sorte. Et fatalement, ça retomba sur ses parents.
Comme beaucoup d'adolescent, ses quinze et seize ans furent pour le moins houleux. Il remit beaucoup de choses en question, dont l'autorité de son père, et les querelles se firent de plus en plus fréquentes. Le ton monta, bien souvent sans raison ; et si au début ce ne fut que des rebellions ponctuelles et sans objet, ça devint vite plus difficile à gérer.
Jusqu'à ce que, un soir, la porte ne claque.
Quinlan resta devant la porte, hébété, sans savoir quoi faire. Le sac de toile à quelques mètres de lui commença rapidement à prendre l'eau, et la pluie battante qui s’abattait sur la capitale ce soir-là eut tôt fait de complètement détremper ses vêtements. Il fit quelques pas hésitants sur la route et ramassa le sac et son contenu. Une des chemises qu'il contenait, jetée en vrac dedans, était tombée. Totalement trempée. Immettable. Il jura contre le temps, lui-même, son père et le monde entier et envoya valser le sac et son contenu d'un violent coup de pied.
« T'en as rien à faire de moi de toute façon! T'as pas le droit de me dire quoi faire ! »
Son père l'avait mis dehors.
Quelle poisse.
Il reprit le sac à contrecœur et examina son contenu. A l’intérieur se trouvait le peu d'affaires que son père avait ramassé dans sa commode avant de ne le pousser dehors et de ne jeter le sac à sa suite. Encore sonné et trempé jusqu'aux os, il jeta un regard perdu à sa maison. Il pouvait presque entendre sa mère et sa sœur protester à travers la porte close. Peu importe. Je peux très bien me débrouiller tout seul. Au bout de quelques minutes, sa chemise détrempée forma une deuxième peau par-dessus la première, congelée et tremblante. Il n'allait pas pouvoir marcher sous la pluie durant trois heures ; il allait tomber malade s'il faisait ça. La toux de son grand-père, de plus en plus inquiétante, lui revint en mémoire à la façon d'un mauvais présage. Il hésita un instant, trois fois rien, puis tourna à droite. Pas comme s'il avait vraiment le choix.
Il lui fallut un quart d'heure pour arriver devant la bonne maison, et à présent que la fatigue et le froid avaient pris le pas sur la colère il se sentait complètement stupide et démuni. Un garçon de seize ans, avec trois fois rien d'affaires et pas de travail ? Il ne tiendrait pas dix jours. Il faillit tendre la main vers la poignée, voulut frapper. Mais rien à faire. Il aurait l'air stupide, il ne saurait pas quoi dire. Il se sentait vraiment, complètement, irrécupérablement nul. Bon à jeter. « Quinlan ? »
Le jeune homme se retourna brusquement, comme pris en flagrant délit. Il lui fallut quelques bonnes secondes pour reconnaître la silhouette encapuchonnée, en face, qui lui faisait signe de s'approcher. Il traversa la rue sans vraiment réfléchir. Mais une fois devant Théodore et ses yeux effarés d'un bleu glacial, il regretta presque de ne pas être parti en courant.
« Mais sérieux, qu'est-ce que tu... ? Pffhmm – bon, rentre. Mais shhh. »
Trop surpris pour penser à protester, il suivit le jeune homme en silence. Théodore referma la porte derrière eux sans un bruit et attrapa le bras de son ami pour le guider jusqu'à l'étage. Ils retinrent leur souffle à chaque grincement de marche mais, une fois arrivé en haut, le plus âgé se détendit. Quinlan, lui, n'en menait toujours pas large. Il resta silencieux à chaque question qu'on lui posa, yeux baissés et visage fermé. Au bout d'un moment, le blond sembla se lasser.
« Bon, écoute. Je m'en fiche de ce que t'as fait, tu te changes et tu restes là pour la nuit. Je vais aller prévenir Violette. »
Tous ses vêtements étant humides, il enfila sans rechigner la chemise et le pantalon trop grands que son ami lui prêta. Une couette fut étendue par terre pour lui et, quelques secondes après qu'il se soit allongé, Violette vint s'agenouiller près de lui. Elle parla de tout, de rien, sans se préoccuper de son cousin qui dormait dos à eux ou du silence résigné de Quinlan. Elle lui raconta n'importe quoi, sa main serrée sur la sienne, jusqu'à ce qu'il accepte de lui expliquer ce qui c'était passé. Elle écouta sans l'interrompre et, une fois qu'il eut finit, elle le laissa entrelacer leurs doigts.
« Tu iras t'excuser demain. Je viendrais avec toi, ça ira. »
Il ferma les yeux, rassuré, et passa doucement son pouce sur le dos de sa main.
« Je t'aime, tu sais ? »
Sa voix ne fut que murmure, mais elle entendit. Et elle sourit. Il avait beau avoir les yeux clos, il vit malgré tout.
Ça doit vouloir dire 'moi aussi', non ?
Le lendemain, après que Théodore ait expliqué quinze fois le pourquoi du comment de la présence de Quinlan dans sa chambre, lui et Violette eurent le droit de partir chez lui. Il frappa à la porte. S'attendit à tomber sur sa mère ou sa sœur, peut-être même un de ses frères. Mais à sa grande surprise ce fut son père qui lui ouvrit. Et là, face aux faits, il fut incapable de dire quoi que ce soit. Malgré la chaleur que dégageait la main de Violette contre la sienne, il ne put dire un mot.
« On t'attendait. »
Ce fut les seuls mots que son père prononça, mais ce fut suffisant pour débloquer Quinlan. Ses excuses furent brèves et n’excédèrent pas trois mots ; son père n'en dit pas plus. La porte se referma derrière eux et personne n'en reparla plus. Il n'y eut ni longues explications, ni accolades, ni embrassades. Et si Quinlan savait qu'il avait blessé son père, jamais il ne trouva les mots justes pour se faire pardonner. A la place, il décida de se tenir à carreau et de travailler dur pour ôter un peu du poids qui pesait sur ses épaules. Pour le rendre fier. Lui faire justice.
Et puis maintenant qu'il avait Violette, qu'est-ce qui pourrait bien aller de travers ?
La mort du Roi et de la Reine fut pour Quinlan un vrai coup dur. Sans exagération. Ce fut brutal. Bientôt il n'y eut plus que cette nouvelle sur toutes les bouches, et lui qui jusque là n'avait aucun doute se retrouva à fixer l'avenir d'un air hésitant. Les héritiers au trône étaient bien jeunes pour faire de bons souverains, disait-on. Ils vont régner tout d'eux, l'un après l'autre, disaient les rumeurs. La Princesse a l'air plus mature et décidée que son frère, ne cessa de répéter son voisin. Mais comment pourrait-on mettre une femme sur le trône ? Lui ne savait pas. Il espérait qu'ils allaient s'entendre et leur permettre de poursuivre leurs vies tranquillement, comme lors du règne de feu leur père. Difficile de juger avant de les avoir vu agir. Lui qui venait tout juste de perdre son grand-père passa de longues journées assis seul devant sa cheminée, son chien blotti sur ses genoux. Ankou et Annahita Della'Morte, uh. Il jeta de longs regards à Elrich, né la même année qu'eux, et tenta tant bien que mal de se l'imaginer Roi. C'est en le voyant faire l'idiot et casser une assiette qu'il commença à avoir de sérieux doutes quant-à l'avenir de son pays.
Quinlan, assis face à la cheminée, fit tourner pensivement sa tasse de café entre ses mains. Les premières heures le silence avait été pesant, mais à présent il lui semblait presque accueillant. Reposant. Il caressa distraitement Al, couché en travers de ses genoux. Pour une fois qu'il se tenait tranquille, il se voyait mal le déranger. Quelques mois après la mort de Lieven, Aneesa, inquiétée par la soudaine solitude de sa propre mère, avait proposée à cette dernière de venir habiter avec eux. Pour voir ses petits-enfants quand bon lui semblait, ne pas se laisser aller. Vivre entourée de rires et de projets d'avenir serait plus sain pour elle que de ressasser le passé dans cette maison, définitivement. Edona avait hésité, bien sûr. Elle ne voulait pas causer du soucis à sa fille aînée, mais... C'était sa maison. Elle ne pouvait pas l'abandonner comme ça. Quelques coups furent frappés à la porte d'entrée. Le jeune homme calma Al d'une caresse sur la tête et se contenta de crier que c'était ouvert. Il avait besoin de vivre par lui-même, de toute façon ; quitte à habiter quelque part, ici n'était pas plus mal. Au moins sa grand-mère avait l'esprit tranquille. Le plus difficile à supporter dans cette maison était ce drôle de silence. Passer la porte et ne pas être accueilli par le visage souriant de son grand-père était toujours aussi difficile. Il manquait quelque chose. Il aimait toujours cet endroit, mais il avait perdu cette petite étincelle qui lui était propre. C'était indéniable.
« Quinlan ? Je t'ai apporté de quoi faire un repas. Tu veux que je te fasse à manger ou ça va aller ? »
La voix de Violette le tira de ses réflexions et il ordonna à son chien de se redresser d'un claquement de langue. Ce dernier se leva immédiatement et partit, oreilles baissées, se cacher sous la table. Un peu exclusif, uh.
« Ça va aller. Enfin je crois. »
Il se redressa d'un geste souple et alla saluer la jeune fille d'un baiser affectueux sur la tempe. Son regard s'attarda sur un des légumes qu'elle venait de sortir de son sac.
« C'est... Quoi ?
-Pfff, Quinlan. Je vais te faire à manger, hein. »
Il porta sa tasse de café à ses lèvres, songeur, tandis que Violette se dirigeait en riant vers la cuisine. Ils avaient dix-neuf ans, maintenant. Même s'ils ne s'en étaient pas rendu compte sur le moment, ils avaient bien changé depuis leurs seize ans. Lui était plus fataliste, plus apathique. Elle, au contraire, était plus vive et un rien plus affirmée. Il ne lui semblait pas que leur relation ait changé, pourtant. Ils continuaient à se voir très régulièrement, marchaient ensemble, se racontaient leurs journées. Partageaient ce qui les avait fait rire et ce qui les avait fait pleurer. Il l'avait soutenu quand sa mère était tombée malade, avait rit de soulagement avec elle quand elle s'était remise. Elle l'avait serrée contre lui quand son grand-père était mort, même s'il n'avait pas voulu en parler. C'était agréable, de pouvoir compter sur quelqu'un de cette façon. Mais... Les yeux de Quinlan, sans bouger pour autant, se posèrent sur Violette. Il observa ses cheveux noués onduler dans son dos tandis qu'elle se hissait sur la pointe des pieds pour tenter d’attraper un récipient un peu trop en hauteur. ...Il lui semblait qu'avant, ce sentiment était un peu différent.
« Pourquoi tu mets tout si haut ? soupira-t-elle quand il arriva derrière elle pour saisir le récipient à sa place. Je vais finir par croire que tu le fais exprès ! »
Il accueillit la protestation avec un sourire amusé et finit son café en quelques gorgées. Sa taille, il la tenait du côté de sa mère ; autant dire qu'il serait bientôt le plus petit de la fratrie. Tierney l'avait presque rattrapé et Elrich, selon toute vraisemblance, suivrait le même chemin. Ce n'était donc pas lui qui était trop grand mais elle qui était trop petite, aucun doute là-dessus. Soudain, l'anxiété qu'il avait refoulé dans un coin de son estomac réussit à s'échapper et forma une boule dans sa gorge. Il pouvait se changer les idées et nier tant qu'il voulait, ça n'y changerait rien. Plus le temps passait, plus ce qu'il ressentait envers Violette se changeait en douce indifférence. Elle lui glissait entre les doigts. Il ne voulait pas être avec elle par habitude. Ça n'avait aucun sens. Mais...
La peur d'être seul et sans repère, ce jour-là, prit le pas sur la raison.
« O-Oh, qu'est-ce que tu fais ? Je ne peux pas cuisiner comme ça, tu... »
Il la serra un peu plus fort contre lui, sourd à ses fausses plaintes. Ses cheveux étaient toujours aussi doux qu'avant, ses grands yeux toujours aussi lumineux. Elle parlait encore avec cette petite voix ridiculement aiguë et avait bien vite arrêté de grandir. Ils n'avaient pas changé, pas tant, pas à ce point. Il arrivait encore à se souvenir de la robe qu'elle portait quand il l'avait vue, la première fois. Il se rappelait de ce besoin pressant qu'il avait eu d'aller lui parler, de sa gêne face à celle qu'il s'était imaginé être la femme de sa vie. Il n'avait connu personne d'autre. Il ne voulait pas remettre toutes ces années de vie commune en question. Et puis elle était heureuse, elle, non ? Qu'il ne l'aime plus lui briserait sûrement le cœur et, paradoxalement, il l'aimait trop pour lui faire ça. Elle méritait tellement d'être heureuse : il voulait qu'elle sache à quel point il tenait à elle, qu'elle ne s'inquiète pas pour lui et surtout, surtout, qu'elle ne souffre pas par sa faute. Si ses sourires n'étaient pas toujours vrais, ils avaient le mérite d'en tirer des parfaitement sincères à Violette. Peu importe qu'il ne soit pas tout à fait heureux tant que elle, elle pouvait l'être. Ce n'était qu'une phase. Au bout de trois ans, la routine le heurtait simplement. Avec tout ce qui se passait en ce moment, il exagérait tout.
Oui, ce n'était que ça. Et l'idée qu'elle puisse feindre ses propres sourires en pensant les siens sincères, à l'époque, ne lui traversa jamais l'esprit.
« Épouses-moi, Violette. »
Il n'osa même pas desserrer son étreinte pour la regarder dans les yeux.
Lorsque Quinlan ouvrit la porte, Al jappa joyeusement pour accueillir le nouvel arrivant. Il dut lever les yeux pour voir correctement Théodore, qui faisait bien son mètre quatre-vingt-dix, et ouvrit de grands yeux étonnés en voyant qu'il tenait son frère par l'épaule. Frère qui se tenait la tête en grimaçant.
« Elrich ? Qu'est-e que t'as fichu, encore ? »
Théodore lui fit signe de les laisser entrer et Quinlan s'effaça du passage pour leur permettre de passer le pas de la porte. Il la referma presque instantanément derrière eux et fit courir une main nerveuse dans ses courts cheveux bruns en voyant que son frère boitait.
« Tu t'es battu ? On t'a frappé ? Tu es tombé ? » Les yeux de Quinlan s’agrandirent un peu plus tandis que Théo aidait son cadet à s’asseoir sur une chaise. « Tu... Qu'est-ce qui c'est passé ? Pourquoi tu es venu ici ? Où est maman ? »
Devant le silence résigné d'Elrich, il décida de plutôt interroger le plus mature des deux. Il reporta donc son regard suspicieux sur le blond, en trop bonne forme pour être honnête.
« Je l'ai trouvé en chemin, répondit-il avec un haussement d'épaules fataliste. Comme il a insisté pour ne pas rentrer chez lui, je l'ai amené là. »
A quatorze ans, Elrich était pourtant plus calme que lui et Tierney ne l'avaient été à son âge ; l'imaginer en train de frapper qui que ce soit était une vision tellement irréaliste qu'il ne prit pas la peine de se l'infliger. Il se contenta en lieu de cela d'aller dans la pièce attenante et d'en ramener ce qu'il avait à sa disposition pour soigner ses bleus. S'il ne voulait pas parler, il ne le forcerait pas. Ou juste un peu.
« Si tu ne me dis pas ce qui c'est passé, je vais devoir te ramener à la maison. »
La menace eut l'effet escompté ; le petit brun ouvrit de grands yeux et secoua énergiquement sa tête de gauche à droite.
« Non, papa va me tuer ! Il m'avait dit de pas aller par là, mais tu sais, j'avais pas le choix, et le père de Nolwenn a dit qu'il voulait pas me voir parce que je suis un Esprit et il m'a jeté dehors et –
-Là où ?
-Uh. Là où il y a des humains, expliqua-t-il brièvement. Mais Nolwenn est humaine, alors... »
Théodore poussa un soupir agacé et, tout en observant vaguement le mobilier, marmonna des paroles peu aimables envers les humains. Ces dernières semaines Jiang Zemin n'était rien d'autre qu'une marmite sur le point de déborder, et toute cette tension commençait à devenir difficile à supporter. Humains, Esprits, Humains, Esprits. Lui-même n'avait à la base pas d'avis sur la question. Il voulait juste qu'Annahita, qui lui semblait plus compétente que son frère, règne sur le royaume. Et il semblait que, par effet de groupe, ce soit une décision plus ou moins commune à tous les Esprits. Les Humains, donc, préféraient Ankou. L'insulte qui sortit de la bouche du blond arracha une violente protestation d'Elrich, que Quinlan ne releva pas. Il comprenait tout à fait le point de vue de son ami. Depuis que des imbéciles s'étaient amusés à jeter une pierre sur Violette, il se sentait on ne peut plus hostile envers cette race. Mais Elrich, lui, aimait Nolwenn. Et Nolwenn, au milieu de ses jolis yeux bruns, avait une petite pupille noire.
« Ne vas plus là-bas.
-Mais Nolwenn... !
-Est-ce que tu as seulement conscience des tensions qu'il y a en ce moment ? rétorqua Quinlan d'une voix sèche en enroulant une bande de tissu autour du genou écorché de son frère. Pour l'instant c'est des insultes et quelques pierres, mais bientôt son père fera pire que te jeter un peu violemment dehors. Et crois-moi, à ce moment-là, Nolwenn sera bien loin dans tes priorités. »
Il vit les larmes perler aux coins des yeux bruns d'Elrich mais ne céda pas. Il ne voulait pas que son frère soit blessé. Surtout pas pour une fille avec qui il ne pourrait même pas vivre, vu leurs espérances de vie respectives.
« Tu dis ça mais si Violette avait été humaine, tu aurais fait comme moi ! »
Cette remarque-là lui arracha un rire involontaire.
« Avec des si on referait le monde. Théodore, tiens le pour qu'il arrête de bouger, s'il te plaît. Je n'arrive pas à le soigner correctement. »
Et la guerre civile éclata. Il remercia les Dieux d'avoir protégé sa famille et pria pour qu'aucun d'entre eux ne soit blessé le temps que ces affrontements dureraient. Son mariage avec Violette, prévu après deux ans de fiançailles pour les mois suivants, fut repoussé d'un commun accord. Ses cadets, tous sans exceptions, furent enfermés à double-tour chez eux. Seuls lui et son père continuèrent les allées-venues. Il passa les premières semaines à passer de sa maison à celle de ses parents et celle de Violette, soucieux de vérifier qu'il se portaient tous bien. Malheureusement, les violentes tensions qui régnaient à Jiang Zemin rendaient le travail de son père complexe et il savait que, bientôt, le manque d'argent commencerait à se faire sentir. D'autant plus que, à vingt-et-un an, il n'avait toujours pas de travail stable. Théodore, le sachant habile en magie, lui avait dit en riant qu'il pouvait toujours tenter de travailler dans la prison ; sur le coup, ça lui avait semblé stupide. Les horaires et les risques étaient complètement incompatibles avec une vie de famille. Assis devant sa cheminée, il fixa les flammes qui réchauffaient la pièce. Or, s'il épousait Violette...
« Tu voulais vraiment me demander en mariage, hein ? »
S'il épousait Violette...
La question lui fit l'effet d'une douche glaciale.
« Pourquoi tu demandes ça ? Je ne l'aurais pas fait si je ne voulais pas le faire, répondit-il sans quitter le feu des yeux. Ça me paraît évident. »
Il y a quelques années il aurait paniqué, aurait lâché la tasse. Il l'aurait serrée contre lui et lui aurait assuré qu'il l'aimait. Et il l'aurait pensé du plus profond de lui-même. Là, il ne fit rien.
« Parce que tu... »
Il le savait déjà, au fond. Ils se taisaient plus qu'ils ne parlaient. Ils étaient deux à tenter de faire sourire l'autre en se mentant à eux-même.
« J'ai l'impression que tu t'en fiches, dit-elle finalement, au bord des larmes. Je pensais que si on se mariait ça redeviendrait comme avant, mais c'est juste... »
Il ne voulait juste pas se l'avouer. Ni le dire.
« Entre nous, il n'y a plus - »
Et surtout pas l'entendre.
« Violette ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? C'est... »
Sa colère retomba d'un seul coup et, même s'il s'était levé brusquement, tout ce qu'il réussit à faire fut passer ses mains sur son visage. Le feu, dans l'âtre, continua de brûler sans se soucier de personne.
« Mes parents ne voudront jamais annuler le mariage, acheva-t-il finalement, dents serrées.
-Mais pourquoi ? Si tu es...
-Parce que ça ne se fait pas, voilà pourquoi ! Tous leurs amis doivent être au courant, tous leurs... »
Le silence retomba sur la pièce, lourd et pesant. A ses pieds, Al laissa s'échapper un pitoyable gémissement.
« Je ne peux pas leur faire ça. »
Et il n'aurait su être plus sincère. Il avait l'impression d'être de retour sous la pluie, jeté à la porte de chez lui. Ce jour là, il avait eu deux choix. Peut-être que s'il avait osé pousser la porte de son grand-père au lieu de celle de Violette, jamais il ne lui aurait avoué son amour. Alors elle, trop timide pour aborder le sujet ou même le croire intéressée, n'aurait jamais su que ce qu'elle ressentait était réciproque. Ils n'auraient pas tout brûlé sans réfléchir. Ils seraient restés amis. Il n'en savait rien. Mais là, il avait vraiment besoin qu'elle lui tienne la main. Il tendit son bras dans sa direction et serra ses doigts entre les siens.
« On trouvera un moyen, murmura-t-elle – et sa voix, apaisante, lui tira un sourire triste. Ça ira, tu verras. »
Il passa ses bras dans son dos et la serra contre lui, respirant doucement le parfum familier de ses cheveux lilas. Ça ira, ça ira. Tout le monde disait ça quand quelque chose se terminait. Uniquement quand quelque chose se terminait. Il est mort mais ça ira. Elle est morte mais ça ira. Il est malade mais ça ira. Tu verras, tout s'arrangera. Entre nous c'est fini, mais tu seras heureux avec quelqu'un d'autre. On sera heureux. On ne se reverra jamais. Il ne pouvait pas la forcer à rester comme ça. S'il la laissait partir, elle irait sûrement mieux. Et si tout comme il avait voulu retenir Lyssa à l'époque il voulut retenir Violette à présent, il n'en fit rien. Il ne pouvait pas, non. Il ne voulait pas l'emprisonner dans quelque chose que ni elle, ni lui ne voulait. Il pouvait ignorer ses larmes silencieuses mais pas celles qu'elle versait en ce moment. C'est fini, c'est tout. Il n'avait aucune envie qu'elle s'en aille, et il sut dès l'instant où elle pleura contre lui que sa Violette allait terriblement lui manquer. Mais il n'y pouvait rien.
Ni l'un ni l'autre ne voulut assumer la mort de leur relation. Le mensonge fut une solution plus aisée. Violette précipita quelque peu le déménagement, de toute façon prévu, de ses parents ; elle leur dit vouloir venir avec eux pour ne pas les laisser seuls, affirmant qu'elle reviendrait à Jiang Zemin dès qu'il seraient installés. Lui, de son côté, ne prévint pas sa famille du départ de sa fiancée. C'était simple, facile. Pour les uns ce fut Quinlan qui refusa de la revoir, pour les autres ce fut Violette qui disparut purement et simplement de la circulation, sans prévenir qui que ce soit. Comme ça personne ne déçut personne. Tout est bien qui finit bien. Il passa le reste de la guerre civile enfermé chez lui avec son chien, à éviter les conflits au maximum pour éviter que sa mère ne meurt d'inquiétude. Quand trouver un travail devint une nécessité et que les affrontements se calmèrent sensiblement, il repensa à la proposition de Théodore ; à présent, elle ne lui semblait plus aussi stupide qu'avant. Son ami avait déjà voulu en faire son métier mais, trop maladroit en magie et sanguin, il savait parfaitement qu'il n'avait pas le bon profil. Quinlan, par contre, était suffisamment doué et responsable pour être jugé de confiance. On a rien sans rien, de toute façon. Autant essayer. Il envoya quelques lettres à Violette, reçut quelques réponses humides de larmes et d'absence. Elle promit qu'elle reviendrait le voir dans quelques années, en tant qu'amis. Il accepta. Parla de ses projets avec son père, jugeant qu'en informer sa mère ou ses cadets reviendraient à les inquiéter un peu plus encore. Elle qui manquait de faire une attaque cardiaque dès qu'Alexia se coupait en faisant la cuisine n'aurait pas supporté de savoir son fils entouré de personnes aussi dangereuses.
Au final, il obtint son affectation. Et, devant le fait accompli et le visage angoissé de sa mère, il n'osa lui expliquer la nature exacte de son métier. Elle sut qu'il travaillait dans le domaine du maintien de l'ordre, sans plus de précision. Elle n'en demanda jamais non plus. Par crainte, sûrement, elle préféra s'en tenir au peu de choses qu'il lui raconta. C'est aussi bien comme ça. La guerre civile se termina peu avant ses vingt-quatre ans, et il observa le remue-ménage que l'annonce de la séparation du royaume créa avec un certain soulagement. Voir des humains lui était devenu amer, et la fin des conflits fut une façon comme une autre de repartir d'un bon pied. Alors sûrement que sa maison est un peu silencieuse et vide, mais il n'a qu'à marcher pendant un quart d'heure pour retrouver le confort relatif de sa famille, avec son lot de cris et de problèmes. S'il lui manque quelque chose il peut toujours aller voir Théodore et ses parents, en face de chez lui. Il manque une touche féminine à ses plats et à son ameublement, mais au moins n'a-t-il plus de boule à l'estomac. Il a un travail. Un avenir.
Et, finalement, c'est presque suffisant.
|
| | | |
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |